To François Carron (frère de Julie)   27 octobre 1813

27 [octobre 1813]

Mon bien bon ami, je t'envoie ci-joint les lettres qui t'étaient adressées chez Gougeon à l'auberge des Trois Faisans. J'ai cru devoir les décacheter afin de savoir des nouvelles de ta femme et ce que j'avais à faire. Elles te diront tout ce que je n'ai pas le temps de te répéter. J'espère toujours que ces accidents n'auront pas de suites fâcheuses. Ce qu'il y a d'important, c'est de me sauver de reproches à l'école Polytechnique. Ma première leçon est mardi prochain à 8 heures du matin. Si Mme Carron s'était assez bien portée pour venir à Châlons, nous aurions eu du temps de reste pour arriver à Paris avant ce moment-là. A présent, j'ai bien sujet de craindre que cela ne se puisse plus. Au nom de toute l'amitié que tu as pour moi, va voir M. Durivaux dont l'adresse est sur la lettre pour lui que je joins ici ; il demeure à l'école même.

Vas-y le matin vers 8 heures, dès que tu auras reçu ma lettre. Ma position dépend presque entièrement de lui. Ne le quitte pas que tu ne le voies bien disposé à me [illeg]. Sans lui ? Il peut m'en résulter toutes sortes de désagréments. J'espère que ce ne peut être que des désagréments. J'en suis sûr. Je ne te fais point de détail sur ce que tu peux lui dire. Ton amitié pour moi te l'inspirera. éliza se porte à merveille, elle n'est point du tout fatiguée. Nous partons dans l'instant pour Lyon. Nous y serons demain vers une heure, et, si le courrier n'est pas encore parti, lors de notre arrivée, après que j'aurai fait tout ce qu'il faut faire pour que la vue de sa fille ne fasse point de révolution à Mme Carron, je t'écrirai ce jour-là même ; sinon ce sera pour le lendemain.

Ne t'inquiète pas, je t'en prie. J'espère que nous la trouverons mieux. Adieu, mon bon ami ; je t'embrasse mille et mille fois. Tes inquiétudes me tourmentent comme si je les éprouvais moi-même. J'espère bien ; espère de même, mon frère, mon bon ami. Je t'embrasse comme je t'aime de toute mon âme.

A. Ampère

J'ai cru devoir montrer les lettres trouvées ici à éliza ; mais j'ai si bien pris mes mesures qu'elle croit qu'il ne s'agit que des mêmes maux d'estomac qu'elle a vus plusieurs fois à sa Maman et qu'après m'avoir fait bien des questions elle a laissé changer la conversation et a fini par rire de je ne sais quoi. Son esprit est bien tranquille et j'ai gagné qu'elle n'éprouvera plus de secousses à Lyon.

Please cite as “L459,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 23 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L459