To Claude-Julien Bredin   25 janvier 1814

[249] 25 janv[ier] [1814]

Que tu as raison, cher ami, de t'étonner que j'aie été si longtemps sans t'écrire ! Combien je m'en repens ! Mais, d'abord, j'ai cru, pendant près de quinze jours, qu'une lettre que j'écrirais ne passerait pas. Ici, on croyait d'abord comme une chose sûre que toute communication serait rompue le 12 ; puis le 14, c'était sûr ; bientôt on assura qu'on les avait vus ce jour-là dans Lyon ; puis à mesure qu'on recevait des lettres qui prouvaient le contraire, on disait :mais, le temps qu'il faut pour que la réponse parvienne, il ne sera plus temps, c'est impossible, etc., etc. Ensuite, je m'étais mis dans la tête de lire un mémoire à l'Institut. J'y ai travaillé jour et nuit ; je l'ai lu hier. J'ignore ce qu'on en jugera et n'y pense plus guère ; je suis content de l'avoir fait. J'en voudrais faire d'autres ; mais j'ai trop d'autres choses à penser. On nommera bientôt et je m'attends bien que ce ne sera pas[250] moi, j'y suis très résigné.

Du 26 janvier - Mon bon ami, je voudrais te voir ; je sens mille choses à te dire que je ne saurais écrire. Je comptais finir cette lettre hier et la faire longue. Je suis resté toute l'après-[midi] chez moi pour cela. Mais le démon du calcul m'avait tellement saisi que je ne pouvais penser qu'à arranger des calculs, tantôt mettant des calculs sur mon papier, tantôt me promenant pour y réfléchir. Ce matin, je suis obligé de sortir, je ne peux me résoudre à t'envoyer cette lettre. Que te dira-t-elle, sinon que je t'aime, que je désire toujours plus ardemment de te voir. Et cependant, si je ne l'envoie pas telle qu'elle est, comment écrire plus longtemps sans te laisser encore dans l'inquiétude que tu daignes avoir pour ton pauvre ami qui ne le mérite guère ! Il faut que je[251] sorte, je vais chez M. Degérando ; nous parlerons de toi et de Camille ; nous nous dirons : Quand les verrons-nous ?

Adieu, bon ami, mille respects à Mme Bredin, mille baisers à tes enfants. écris-moi, je t'en prie. Tes lettres sont un si grand bonheur pour ton ami ! A. Ampère

[252]A monsieur Bredin Directeur de l'École impériale vétérinaire, à Lyon (Rhône)

Please cite as “L466,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 20 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L466