To Claude-Julien Bredin   12 mars 1814

[241]Du Samedi 12 mars 1814

Cher ami, j'ai reçu tes deux lettres à la fois avant-hier. Je t'y répondis au long hier. Dugas vint dîner avec moi et, comme il retourne demain à Lyon, je le chargerai de ma lettre pour en être plus sûr. Je pense aujourd'hui qu'elle arrivera plus tard ; et si son voyage était retardé ! [illeg] Je t'écris donc aujourd'hui, mon ami, ma seule consolation. Mais que te dire ? Tu n'as point idée de la cause de mes chagrins, je ne puis l'écrire. Quel enchaînement d'événements ! Que tu es injuste envers la personne dont tu me parles, mais me serais-je trompé ? Est-ce d'elle dont tu veux me parler en me disant qu'un homme a été bien ingrat à mon égard ?

Si c'est d'un autre, écris-le moi, afin que je te comprenne ; serait-ce que je t'ai parlé du chimiste qui l'a été bien réellement à mon égard ?[242] Je ne l'ai pas compris comme cela, parce que, l'esprit plein d'un seul objet, j'y rapporte tout ce que tu m'écris. Explique-toi, cher ami !

Je t'ai écrit par Dugas de prier Ballanche de me permettre que tu remettes 300 francs à M. Périsse, qui te rendra mon billet si je lui en ai fait un. Les 98 francs restant à Ballanche à compte, il les notera sur mon billet et je resterai lui devoir 152 francs que je remettrai à Beuchot dès que je pourrai.

Embrasse pour moi tous nos amis ; je suis pressé de sortir ; j'étouffe ! Parle de moi à Camille et parle-moi de lui. J'ai vu aujourd'hui M. Degérando dont le catarrhe de poitrine est tombé sur la vessie. Cela le fait bien souffrir et me désole.

[243] Tesseyre m'est venu voir ce matin. Excellent ami ! il ne me parlait que pour m'amener à ses idées comme si cela était possible à présent.

Dis mille choses pour moi à Ballanche et à Roux. Donne-moi des nouvelles de ta santé ! Que je souffre de te savoir malade ! N'ai-je pas assez d'autres peines ! Des nouvelles de toute la famille !

J'ai réemprunté le ultime lettere de Jacopo Ortis. J'en lis tous les soirs quelque chose. Au reste, en me clouant à Paris, je me suis cloué à la vie. Je suis dans une agitation inexprimable, cela vaut mieux que l'abattement désespéré de ces jours passés.

Oh, mon ami, comme je t'aime, comme je t'embrasse ! Date, je t'en prie, toutes tes lettres 1.

[244]A monsieur Bredin Directeur de l'École impériale vétérinaire, à Lyon (Rhône)
(2) Conseil que lui-même ne suivait pas.

Please cite as “L473,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 1 May 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L473