To Claude-Julien Bredin   10 août 1814

[49] 10 août [1814]

Comment me pardonneras-tu, cher ami, d'avoir été si longtemps sans t'écrire ? Mon mémoire pour l'Institut en est cause ; j'en ai lu les trois quarts il y a quinze jours ; je voulais l'achever pour ce jour-là 1. Je ne mettais pas un seul instant à une autre occupation. Je n'en lus qu'un préambule. On l'a renvoyé à des commissaires, Legendre, Poisson, Arago. Je les ai prévenus que la fin n'y était pas, en la promettant pour huit jours après ; en voilà plus de quinze et il s'en faut bien que j'aie fini. Dans trois semaines finissent les six mois de délai qu'on a mis dans le temps à la nomination. Sera-t-elle encore renvoyée à six mois ? Nommera-t-on ? et sera-ce moi ou un autre ? Voilà ce qui va faire une grande décision dans ma vie, et qui dépendra d'un jour, d'une heure de travail de plus ou de moins pendant le peu de temps qui me reste. Voilà ce qui m'a empêché de t'écrire et à Ballanche, qui m'a écrit il y a déjà du temps. Si tu m'aimes, vois-le, je t'en prie ; dis-lui pourquoi, fais qu'il me pardonne ! Qu'il n'en vienne pas moins à Paris cet automne ! Je lui écrirai dès qu'il y aura possibilité.

Embrasse pour moi Dupré et ne m'oublie pas auprès de Camille. J'avais mis en expérience au soleil des substances au mois de mai dernier. Je les avais oubliées depuis trois mois. J'ai trouvé aujourd'hui dans le flacon un résultat si singulier que je ne sais si ce ne sera pas une bien importante découverte et point de temps pour m'en assurer ou renoncer à l'Institut !

J'ai tellement la résolution de mettre tout mon temps au travail qu'ayant des billets pour voir les séances où l'on discute la loi sur la presse, je n'y suis point allé. Je t'en prie, cher ami,[51] par toute l'amitié que tu as pour moi, que la rareté de mes lettres ne rende pas les tiennes plus rares ; elles sont ma consolation et ma vie. Sais-tu des nouvelles de Roux ? Où est-il à présent ?

M. Frayssinous, dont tu as souvent entendu parler, a rouvert aujourd'hui, dans la chapelle de l'école Normale, les fameuses conférences que Bonaparte lui avait interdites il y a quatre ans. Le grand maître y était avec presque tous les conseillers et inspecteurs ; par conséquent, moi. Que dis-tu de Barret ? où est-il ? Pourquoi ne me dis-tu jamais rien de ce que tu juges de tout ce qui arrive, de ce qu'en pensent les différents barbistes ? Quant à Antigone, sera-t-elle imprimée ?

Il est bien tard, j'ai écrit tout[52] le jour, la main me fait mal et les yeux me cuisent ; je dors tout en vie. Il faut aller dormir pour recommencer demain des X et des Y. Je t'aime et t'embrasse de toute mon âme. Aime-moi, écris-moi ! Vois Ballanche, je te prie encore ! Marque-moi quand il sera ici ! Que je voudrais t'y voir avec lui Adieu, adieu, cher ami. A. Ampère.

A monsieur Bredin Directeur de l'École vétérinaire de Lyon (Rhône)
(2) Le 11 juillet 1814, Ampère lit un mémoire Sur les différentielles partielles, mémoire dont Poisson rend compte le 12 septembre 1814, jour où Ampère lit un second mémoire Sur quelques transformations et sur l'intégration des équations aux différences partielles. La Classe engage l'auteur à continuer ses recherches et à les préciser en les liant à quelques-unes des applications de l'analyse à la mécanique et à la physique et vote l'impression dans le recueil des savants étrangers.

Please cite as “L490,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 1 May 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L490