To Claude-Julien Bredin   3 novembre 1814

[65] 3 9bre [novembre] 1814

Mon bon ami, je reçois ta lettre dans l'instant et tandis que j'attends quelqu'un qu'on m'a dit devoir venir entre 1 et 2 heures, tandis que 3 heures sont déjà passées, je profite de ce moment pour commencer ma lettre. Elle m'a fait un extrême plaisir. Que je voudrais que tu eusses souvent des journées comme celle dont tu me parles, tu te porterais mieux et, d'après ce que M. Huzard me dit l'autre jour de ta santé, j'en étais inquiet. Je te prie de dire mille choses à Roux, à qui je suis bien obligé de sa lettre, en attendant que je lui écrive ; je ne sais pas quand je pourrai, car voilà mon cours qui a commencé ce matin ; la prochaine élection à l'Institut ; des choses à faire indispensablement dix fois plus que je n'en peux faire !

La société dont tu me parles a pour objet de cultiver la psychologie et la morale théorique, de tâcher d'élever ces sciences, qui sont en France dans[66] l'enfance, au degré de perfection qu'ont atteint toutes les autres.

Samedi 12 novembre Comment cette lettre est-elle restée neuf jours interrompue sur mon bureau ? C'est que, mon cours ayant commencé vers cette date, je veillais une partie des nuits pour le préparer, tandis que tous les jours se passaient en visites aux membres de l'Institut, à faire des notes et des extraits de mes travaux pour mettre mes titres en évidence. J'ai encore trois semaines à passer ainsi ; puis on décidera de mon sort. La société dont tu me parles est composée de : MM. Royer-Collard, le directeur de la librairie qui professait la philosophie à la Faculté ; Degérando ; Maine de Biran ; Georges Cuvier ; Frédéric Cuvier ;[67] Durivaux, directeur des études à l'école Polytechnique ; Guizot, secrétaire général de l'Intérieur ; Maurice, genevois que tu as dû voir à Lyon examinant pour l'école Polytechnique ; Fauriel ; Thurot ; Christian qui doit nous traduire les Prolégomènes de Kant ; Ampère.

On s'assemble tous les quinze jours, le jeudi. M. Degérando a fait deux lectures, M. de Biran trois, M. Guizot une. On a beaucoup discuté particulièrement sur le Moi et la perception. Tout le monde est d'accord sur la loi morale, absolue et désintéressée, sur la pauvreté de la sensation en psychologie, etc. Plaise à Dieu qu'on s'accorde de même sur le reste !

J'attends la prochaine séance pour en juger. Les correspondants sont Ancillon, Prevost de Genève, Bredin, Camille, Dugald Steward,[68] Stapfer. Je n'ai pas un moment pour m'en occuper et ne m'en occuperai guère ; mais j'en espère beaucoup. J'ai écrit cette ridicule indication à la hâte, ou plutôt à la dérobée. Je risquerais, si je ne finissais de suite cette lettre, qu'elle ne restât encore huit jours inachevée. Adieu, cher ami, j'ai fait tes commissions à Ballanche, Dupré. Je t'aime et t'embrasse mille fois de toute mon âme. A. Ampère

A monsieur Bredin Directeur de l'École royale vétérinaire, à Lyon (Rhône)

Please cite as “L497,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 30 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L497