To Pierre Prévost   13 décembre 1814

13 décembre 1814

Monsieur et très honorable ami, Je me suis vivement reproché de n'avoir pas répondu sur-le-champ à la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire et qui m'annonçait le choix que la Société de Physique et d'Histoire naturelle de Genève a daigné faire de moi. A cette époque je n'avais pas un seul moment de liberté, l'élection d'un membre de l'Institut approchait et cette circonstance ne me laissait pas le temps de remplir comme je l'aurais dû les devoirs que m'imposait la place que j'occupe à l'école Polytechnique et de satisfaire à d'autres occupations indispensables. Je vous écrivais avant-hier pour vous en faire mes excuses et vous prier de présenter à la Société que vous présidez l'hommage de [ma] reconnaissance. Mais, comme la nomination relative à M. Maurice devait avoir lieu le lendemain, c'est-à-dire hier, je remis à aujourd'hui à faire partir ma lettre pour vous en donner des nouvelles. Cette séance d'hier est la première où j'ai pu prendre place, j'en ai profité pour lui donner ma voix. Mais, quoique j'en eusse parlé à quelques autres membres, deux concurrents, le proto-médecin des armées russes et M. Delpèche de Montpellier, portés chacun avec beaucoup d'ardeur par un grand nombre de membres, en ont eu beaucoup plus que lui. Ils se les sont partagés presque également, ce qui a fait renvoyer l'élection à la séance suivante. Il est infiniment probable que l'un des deux sera nommé sans que j'y puisse rien.

Je remets à une autre époque de vous entretenir relativement à la manière dont je conçois que sont arrangées les molécules des corps. Je me bornerai à remarquer que l'expression de la force moléculaire se composant nécessairement, dans mon hypothèse, de deux termes de signes contraires, dont l'un représente par conséquent une attraction et l'autre une répulsion, cessant toutes deux d'être sensibles à une très petite distance, il suffit que la répulsion décroisse plus rapidement que l'attraction pour que la permanence de l'arrangement des molécules d'une même particule et l'agrégation des particules dans les corps solides par des molécules communes à deux particules voisines, se trouve naturellement expliquée.

Je n'ai pas besoin d'ajouter que, dans cette manière de voir, il n'y a pas plus de mouvement dans les liquides et les gaz que dans les solides. Si je trouve une occasion favorable, j'aurai l'honneur de vous envoyer un extrait du mémoire que j'ai lu sur ce sujet à l'Institut au mois de janvier dernier, et où je parle de la manière dont je conçois l'état de liquide et de fluidité élastique.

Je vous prie d'agréer l'hommage de ma haute considération. J'ai l'honneur d'être, Monsieur et très honorable ami, votre très humble et très obéissant serviteur. A. Ampère

Please cite as “L501,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 25 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L501