To Claude-Julien Bredin   23 février 1815

[39]Du 23 février [1815]

C'est avant-hier, mon bon ami, que le Roi a signé l'ordonnance par laquelle je perds toutes fonctions d'inspecteur général et la moitié du traitement. Je ne l'ai su qu'hier. Je l'ai su hier vers 2 heures. J'ai la certitude complète que cela [ne] serait pas arrivé si j'avais fait le quart des démarches que mes collègues ont faites ; mais je n'en avais pas même ouvert la bouche à ces membres de la société philosophique qui y ont eu une si grande influence. A cet égard c'est bien ma faute ; mais j'avais reçu la croix d'honneur sans la demander, sans y avoir pensé, je comptais sur leur bienveillance sans la demander pour une chose où je n'avais [[besoin] ]que d'une justice rigoureuse, puisque plusieurs de ceux qu'on m'a préférés sont moins anciens que moi dans la place et ne peuvent, à aucun égard, être à l'instruction de la même utilité.

Tu sais que je savais seul à très peu près l'état actuel de la physique, de[40] la chimie, etc. Mais tout cela, à présent, ne sert plus de rien !

Écris-moi, cher ami, j'ai tant besoin de te lire ; car cet événement ne m'a pas désespéré comme d'autres, mais jeté dans une apathie d'idées insupportable. Je ne sais quel sentiment de l'injustice et de la perte que je prévois pour les sciences physiques que je pouvais seul défendre, se mêle à ce qui m'est personnel, de manière à me faire désespérer et des hommes et des progrès futurs des sciences qui sont, comme tu sais, mes grandes chimères.

J'ai passé hier toute la soirée avec Ballanche qui avait dîné avec Dugas ici ; mais Dugas nous quitta tout de suite après dîner. Ballanche est si excellent ! Il est heureux, lui, de son Antigone ! Je n'ai pas encore pu la lire, mais je vais le faire à présent que je n'ai plus[41] autre chose à faire.

Tu sais si je t'aime et si je t'embrasse du fond de mon cœur ; donne-moi donc des nouvelles de ce qui t'est cher ! Ta femme, tes enfants, comment sont-ils ? Et Camille ? Et mes autres amis ? A. Ampère

Directeur de l'École royale vétérinaire, à Lyon (Rhône)

Please cite as “L508,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 24 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L508