From Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   1801

[Printemps 1801]
[147]
Du vendredi

Mon bon ami, j'ai reçu ce matin ta lettre et, comme l'adresse était à ma Julie 1, celui qui me l'a remise prétendait que j'étais sa Julie. Ainsi voilà à quoi tu t'exposes en mettant une adresse comme celle-là. Tu me racontes bien des choses qui m'intéressent, mon bon ami ; j'espère que tout répondra à ton désir et que ta peine ne sera pas perdue. Je voudrais que tu penses à m'apporter dimanche la note de tes dépenses et de tes recettes. Je serais contente de savoir où nous en sommes de nos petites affaires. Le petit se porte mieux depuis hier et voilà deux nuits que je dors bien... Tu me demandes si j'aime le samedi. J'espère, mon bon ami, que tu ne doutes pas de mon cœur qui, comme tu le dis, t'aime bien tranquillement, mais bien pour toujours, quoique je te dise quelquefois le contraire. Tu sais si mes petits raffolages sont sur des choses qui puissent compromettre notre amitié et si j'aime[148] moins ceux que j'aime quoique je ne les embrasse pas si souvent. Je t'assure, mon bon ami, que je crois que c'est un peu habitude ou envie de faire quelque mouvement. Si tu m'embrassais moins, je serais sûre que tu le fais avec plaisir. Mais je ne sais pourquoi je te dis tout cela ; c'est bien assez de t'en parler sans te l'écrire. Ce que je veux te répéter, c'est que tu es mon bien bon ami et que, si j'étais Mlle Julie et que je voulusse un mari, ce serait toi ; mais, pour t'assurer que j'en voulusse un, c'est ce que tu ne sauras jamais, ni moi non plus. Car on ne sait jamais ce que l'on voudra faire demain ; comment savoir ce que l'on aurait toujours pensé ? Adieu mon frère ; adieu, mon André, mon amoureux et mon mari constant. Voilà bien des titres pour te dire à mon tour que je suis ta meilleure amie, la mère de ton petit, celle qui pense souvent à toi, qui désire ton bonheur, ton plaisir, qui voudrait faire bien des choses pour toi, mais non pas te sacrifier sa santé ; car tu es aussi à plaindre qu'elle lorsqu'elle souffre ; et puis notre petit en a tant besoin. Adieu, mon mari, adieu, ce n'est pas le temps de t'en dire davantage. Je t'embrasse bien fort, mais non pas en rien comme l'autre jour.

[illeg]

[149]A Monsieur Ampère, dans la rue Mercière, à Lyon.
(2) La lettre p. 68 était adressée « à ma Julie ». Julie n’y répond guère ; mais il est peu probable qu’Ampère ait commis deux fois la même légèreté.

Please cite as “L52,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 23 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L52