To Pierre-Simon Ballanche   16 avril 1816

[915] 16 avril 1816

Mon bon ami, pour t'assurer la propriété de ton invention de manière que personne ne puisse faire usage de ta machine qu'autant que tu lui vendrais la permission, et pour que la date en soit déterminée de manière à en arguer en justice, le seul moyen est de prendre un brevet d'invention. C'est à la préfecture de ton département, à la préfecture de Lyon, qu'il faut en faire la demande par écrit avec les pièces dont je parlerai tout à l'heure ; c'est le préfet qui doit adresser le tout au Ministère de l'Intérieur. Le brevet sera délivré sur ta demande, transmise par lui ; on doit le donner dès que la description est claire et complète et que le pétitionnaire a payé dans les mains du préfet la moitié[916] du prix du brevet, avec engagement de payer l'autre moitié sous six mois à peine de déchéance. Il n'y a que trois sortes de brevets, suivant qu'ils donnent la propriété pour 5, I0 ou 15 ans.

Pour 5 ans, le prix total est de 360 francs ; pour 10 ans, de 860 ; pour 15 ans, de 1560.

Les pièces sont :Une pétition au Ministère de l'Intérieur demandant le brevet pour celui des trois nombres d'années qu'on veut ; Une description complète et détaillée des moyens qu'on veut employer ; Des dessins de toutes les parties de la machine qui doivent être représentées pour rendre cette description claire.

La description entière de tout le procédé est nécessaire pour deux raisons décisives.

[917] 17 avril J'ai été interrompu ; je reprends ma lettre ; deux raisons : Dans l'intérêt du public. On n'accorde les brevets qu'à la condition que les secrets brevetés seront publiés à l'expiration du terme des 5, 10 ou 15 ans, pour qu'alors tout le monde puisse s'en servir ; Dans l'intérêt surtout de la personne qui les obtient. Elle n'a nécessairement, en cas de contestations, la propriété que des procédés décrits à la suite de sa pétition, et ce qu'elle n'a pas exposé clairement peut être impunément copié de suite par tout autre. Car comment peut-elle prouver devant les tribunaux que tel moyen lui appartient réellement, autrement qu'en montrant qu'il est inséré dans la description sur laquelle on lui accorde son brevet ?

Si tu m'écris quand tu auras remis ces choses au préfet, j'irai au Bureau consultatif faire hâter l'expédition du brevet.

Je suis désolé du triste état de la santé de ta sœur. Présente-lui mes respects ainsi qu'à ton père. Mais, mon cher ami, viens, viens, je t'en[918] prie, à Paris ! Je mourrai de chagrin si tu ne viens pas. Tu sens du reste si j'en ai, je ne peux plus les supporter. Le dernier coup est terrible pour moi. Plaise au ciel qu'il y ait de la ressource comme semblent le permettre les dispositions mêmes 1.

Adieu, Ballanche. Si tu savais combien je t'aime, combien je souffre de ton absence, tu viendrais à moi, ou du moins tu m'écrirais plus souvent. Je t'embrasse mille lois de toute mon âme. Ton ami, A. Ampère

A monsieur Ballanche Imprimeur aux Halles de la Grenette, à Lyon
(2) S'agit-il de la diminution des traitements qui avait eu lieu le 31 décembre 1815 ? L'épuration de l'Institut ne pouvait plus l'inquiéter puisque les ordonnances de radiation sont du 21 mars 1816. Dès le 12 février 1816, le Ministre de l'Intérieur écrivait à Maine de Biran qui était intervenu qu'Ampère n'avait rien à craindre.

Please cite as “L529,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 29 March 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L529