To Pierre-Simon Ballanche   19 mai 1816

[919] 19 mai 1816

Cher ami, je me fais de bien vifs reproches de ne t'avoir pas écrit plus tôt. Le mémoire que j'imprime dans les Annales de Chimie et de Physique, dont le travail d'impression est retardé par moi, faute de fournir à temps de la copie, en voilà la cause.

Dis à M. Socquet que l'on ne sait à Paris sur la lampe de Davy, que ce qui est dans ce journal. Il faut qu'il le lise. Je ne vois aucune difficulté à l'application de cet appareil aux thermolampes. Au reste, ce nouveau journal dont il n'a encore paru que trois numéros, le quatrième étant sous presse, est le premier des journaux scientifiques par l'abondance et le choix des bonnes choses. C'est dans le troisième numéro que[920] se trouve, par M. Fresnel, la vraie théorie de la lumière pour laquelle il faut, bien malgré moi, que je renonce à celle fondée sur l'émission que j'aimais tant, etc. Pour une vingtaine de francs, on a les douze numéros de l'année formant plus de 200 feuilles ou trois volumes in-8°. Comment tous ceux qui aiment les sciences ne s'y abonnent-ils pas ? Tu rendrais bien service à la chimie d'engager nos amis à s'y abonner, M. Socquet ou M. d'Ambérieux, l'école vétérinaire, etc. Recommande, je t'en prie, à Bonjour de le lire à son cabinet littéraire et à m'en écrire ce qu'il en pense.

Rappelle-lui qu'il m'a initié dans la chimie en me lisant Lavoisier chez le frère de Nizier !

C'est M. Dussaussoy fils que j'ai vu ici, qui s'est chargé de te porter[921] cette lettre. J'aurais beaucoup de choses à te dire au sujet de la dernière. Tu me parles d'un bijou pour lequel on s'expose à cent mille dangers. C'est un bien grand malheur, mais l'esprit humain est ainsi fait. Il luttera jusqu'à ce qu'on le satisfasse en apparence à cet égard ; un plus grand malheur est de ne pas voir combien l'on gagnerait à le contenter, du moins en paroles, là-dessus. Te souviens-tu de ce que remarquait Dugas, quand tu étais ici, sur l'effet d'une idée jetée dans le monde, comme quand celle de l'unité de Dieu y fut répandue par les premiers chrétiens ? Que de sang versé pendant 300 ans pour la détruire, qui ne fit qu'en assurer le succès ! Plaise au ciel que la seconde expérience soit moins terrible !

Donne-moi, je t'en prie, de tes nouvelles, de[922] celles de ton père, de ta sœur surtout et de tous nos amis. Une lettre de deux pages au moins sur eux et sur toi, sur tes pensées, tes travaux actuels, l'état de ton âme, etc. Surtout ne prends pas, pour venir à Paris, l'époque de ma tournée à Bordeaux, Toulouse, etc., qui aura, je crois, lieu du milieu de juin à la fin d'août ! Quel bonheur si tu étais venu ici avant ce départ ! Mais je dois être le plus malheureux des hommes en tout. Je t'aime en attendant plus que cela n'est possible et je t'embrasse de même. A. Ampère

A monsieur Ballanche Imprimeur aux Halles de la Grenette, à Lyon (Rhône)

Please cite as “L531,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 29 March 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L531