To Marguerite Campredon - épouse Carron (dite Agarite)   15 juillet 1816

Toulouse 15 juillet 1816 [23 juillet 1816]
Chère sœur et excellente amie

Voilà déjà bien longtemps que je cours le pays en me proposant chaque jour de vous écrire, sans en trouver le temps. Mes journées se passent en entier, ou sur les grandes routes, ou dans des classes, ou à faire des visites aux archevêques, préfets, etc., de sorte qu'il ne reste pas un moment à soi. M. Rendu qui est rappelé à Paris par sa place à la Cour royale met plus de célérité encore que M. de Mussy n'en mettait aux voyages. Je me porte bien à présent, mais j'ai commencé par un genou écorché pendant quinze jours qui me faisait boiter, un rhumatisme aux épaules, et un rhume à pouvoir à peine parler, en sorte que ce nouvel essai de voyage ne m'en a pas rendu plus friand. Je ne trouve rien de meilleur que de rester chez soi. Cependant, j'ai vu des campagnes infiniment plus belles par les sites et la fertilité que tout ce que j'avais vu jusqu'à présent. Ce sont tous les bords de la Garonne dont ceux de la Loire n'approchent pas ; c'est cet immense horizon des petites villes de Gascogne qui sont presque toutes sur des hauteurs, horizon couronné par les Pyrénées qu'on voit élever leurs sommets en pains de sucre et couronnés de neige.

Du reste, la tournée que je fais, m'a été rendue moins ennuyeuse, tant par les personnes que j'ai rencontrées et avec lesquelles j'ai été très content de faire connaissance, que par mon compagnon de voyage dont la société m'a été beaucoup plus agréable que je ne le croyais. J'ai reconnu qu'excepté sur certains points sa manière de voir se rapproche plus que je ne pensais de la mienne. Il paraît prendre de l'intérêt aux progrès des sciences et en recommande l'étude autant que moi.

Mon fils, dont j'ai reçu plusieurs jolies lettres qui m'ont fait grand plaisir, m'a donné de vos nouvelles ; il m'annonce dans la dernière qu'il ira vous voir le lendemain. J'espère que vous jouissez d'une bonne santé, ainsi que tout ce qui vous entoure.

Je vous prie, mon excellente amie, d'embrasser pour moi Carron et éliza et de faire mille amitiés de ma part à Pignot. Si vous voyez Mlle Nanine Anactophile, je vous prie de lui offrir l'hommage de mon respect. Je fais des vœux pour qu'elle soit bientôt Mme Francisque.

Adieu, ma chère sœur, je vous aime et vous embrasse mille fois de toute mon âme. A. Ampère

A Madame Carron , rue du Faubourg-Saint-Denis, n° 19, à Paris

Please cite as “L534,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 23 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L534