To Pierre-Simon Ballanche   6 octobre 1816

[923] 6 8bre [octobre] 1816

Mon bien cher ami, tu n'as pas encore répondu à ma dernière lettre, quoiqu'il me semble qu'il y a déjà longtemps que je te l'ai écrite. J'attends de jour en jour cette réponse qui doit fixer mes idées sur des arrangements qui me tracassent d'autant plus, lorsque mes pensées sont tournées de ce côté-là, que ma position n'est rien moins que rassurante. Je suis tranquille du côté de l'école Polytechnique où mon sort est fixé, avec 1600 francs de moins et le double de travail. Mais à l'égard de l'Université ! D'abord subsistera-t-elle et, si cela est, ne me tracassera-t-on pas sur ce que mon cours durera dorénavant huit mois. Au reste, je laisse aller les choses, et ce n'est pas là que sont mes plus grandes inquiétudes. Cependant ç'en serait toujours une de moins pour moi si je savais que tu n'as pas de répugnance à garder l'argent que ma sœur a placé chez toi  ; car, si cela ne me regarde pas personnellement, c'est toujours une chose qui doit me tranquilliser relativement à mes enfants.

J'en viens à l'objet de cette lettre : c'est[924] un service que j'ai à te demander et dont j'ai besoin tout de suite. J'ai perdu mon extrait de baptême, je l'ai cherché inutilement par toute la maison ; on me le demande pour que je puisse recevoir un nouveau brevet en qualité de membre de la Légion d'honneur. Je voudrais que tu en prisses un nouveau à la municipalité de Lyon et que tu me l'envoyasses de suite. Mon acte de baptême est dans le cahier des registres de la paroisse de S[ain]t-Nizier, du 22 janvier 1775. Tu me rendras un signalé service et tu passeras en compte le prix de l'extrait, etc., quand tu feras l'arrangement de l'argent de ma sœur et des 500 francs que Bredin m'a écrit qu'il t'avait remis pour mon compte.

En voilà assez sur ces sortes d'affaires dont je voudrais n'avoir jamais à t'écrire ! Mon ami, quand viendras-tu à Paris ? Si tu savais à quel point Ampère a besoin[925] de toi. Viens avec Dugas ! Ce serait un grand bonheur pour moi de vous voir ici tous les deux.

Mon ami, est-ce que tu n'écris rien ? Comment, lorsqu'on peut écrire comme toi, dédaigne-t-on de le faire ? Bien entendu cependant que tu écrivisses des choses faites pour être bonnes en tout temps, vraies jusqu'à la postérité la plus reculée et pour tous les hommes et non pas vraies seulement dans ce moment, bonnes seulement pour tels et tels !

Je te prie, quand tu m'écriras, de me donner des nouvelles de ton père, de ta sœur et de tous nos amis. Bredin m'a conté qu'il s'est trouvé plusieurs fois avec toi, et avec Camille, Montagnier, Dugas, Dupré. Comment ne m'as-tu pas écrit un petit détail de ces charmantes réunions, où je regrette tant de ne pas m'être trouvé !

Ah, si j'ai le bonheur de voir Camille ici cet hiver, je serai si content. Parle-lui donc de moi quand[926] tu le verras à son retour de Bourg. N'est-ce pas que, s'il vient ici, toi et Dugas vous l'accompagnerez !

Adieu, cher ami, je t'embrasse un million de fois et te prie d'embrasser pour moi tous nos amis. A. Ampère

A monsieur Ballanche fils Imprimeur aux Halles de la Grenette, à Lyon (Rhône)

Please cite as “L538,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 24 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L538