To Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   1801

[1566]Du Mercredi [Printemps 1801]

Que je suis aise, ma bonne amie, de trouver une occasion pour te dire bonjour et te charger d'embrasser le petit pour moi, et lui dire de t'embrasser pour moi ! Vous serez ainsi tous deux baisés de ma part ; mais, malheureusement, ce ne sera pas par moi. J'ai encore trois jours à attendre ; ces trois jours me paraîtront bien longs ; car à présent le temps me dure encore plus qu'au commencement de ton absence. J'aurais donné tout au monde hier pour te voir un instant ou pour t'écrire un mot. M. Brac 1 qui vint me voir et m'amener son neveu le mathématicien, mon certificat et mes leçons m'en empêchèrent. [1567] J'ai un nouvel élève qui s'appelle Chaussard ; il vint se proposer hier matin et commença le soir. J'ai été chercher mon certificat ce matin, au bureau où je l'avais déposé hier. On n'a fait qu'y écrire ces mots : Vu, Bon, le dater et le signer. Mes expériences ont paru réussir complètement ; mais j'ai eu recours à un peu de supercherie qui, du reste, n'a rien gâté. Que je voudrais être à samedi, ma bonne amie ! Que je voudrais pouvoir te dire combien j'ai envie de revoir ma bien-aimée !

J'éprouve tous les jours davantage qu'il n'y a [1568] que \pour/ toi qui fasses que je me soucie de vivre. Je faisais hier des préparations avec de l'acide sulfurique et il me semblait que je n'aurais point eu de répugnance à en boire un verre, si ce n'était que ma Julie est à moi et le petit qu'elle m'a donné. Adieu, ma bonne amie, dis bien des choses de ma part à tous ceux que nous aimons ! N'o[ublie] pas les deux comm[issions] que je t'ai données pour le petit ! Je t'embrasse de tout mon cœur, de ce cœur que tu remplis tout entier. Dis, je t'en [1569] prie, à ma sœur élise que je voulais faire une belle réponse à sa lettre de l'autre semaine, mais que M. Deryeux qui attend sa leçon ne m'en laisse pas le temps . Embrasse-la pour moi, et des deux côtés ; quoique ses baisers courent les rues, ils n'en sont pas moins précieux pour moi. Adieu ma bien-aimée, ma Julie. A. AMPÈRE

A Madame Ampère la jeune, chez Mme Carron, à S[ain]t-Germain.
(2) Brac, le docteur qui a soigné Ampère pendant sa rougeole.

Please cite as “L55,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 1 May 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L55