To Pierre-Simon Ballanche   12 mars 1817

[935] Paris 12 mars 1817

Cher ami, comment ai-je été si longtemps sans t'écrire ; je n'y comprends rien moi-même. Cela ne s'explique que par les deux rapports que j'ai à faire à l'Académie des Sciences et que je n'ai pas encore pu écrire, quoiqu'il ne faille pas bien longtemps pour cela. Si Bredin ne m'avait pas donné quelquefois de tes nouvelles, que serais-je devenu ; car toute mon âme est plus que jamais entraînée à Lyon auprès de vous deux. Les lettres qu'il m'écrit sont mon seul plaisir. J'en aurais deux si tu m'écrivais aussi. De temps en temps tu te dirais : Je vais porter de la joie au pauvre Ampère à Paris, et tu mettrais la main à la plume.

Dugas et Lenoir doivent aujourd'hui venir dîner avec moi ; nous parlerons sûrement de Ballanche, et encore de Ballanche. Je ne t'aurais écrit que demain pour te raconter ce que nous aurions dit ; mais tu le devineras assez : et une affaire,[936] pour laquelle il n'y a pas un moment à perdre, m'oblige à t'écrire sans retard pour te prier de me rendre ce service auquel j'attache tant de prix avec toute la célérité possible.

J'ignore si les impositions directes assises sur le domaine de Poleymieux dont je suis seul propriétaire en vertu du contrat de vente passé par ma sœur chez Me Buisson, notaire à Neuville, en 1812, me donnent le droit de voter dans les élections. Mais je suis sûr que, réunies à ce que je paye ici, elles me donnent ce droit. Après avoir tout combiné, je me suis décidé, si les impositions de Poleymieux suffisent, à me faire inscrire pour voter à Lyon, dans le cas où tu peux te charger de tout ce qu'il faut pour m'y faire porter sur la liste ; car je n'aurai probablement pas le temps de recevoir ta réponse et de récrire à Lyon, et puis parce que je serais tracassé de tout cela.

[937]Dans le cas contraire et aussi dans celui où les impositions directes de Poleymieux ne monteraient pas à 300 francs, je me ferai inscrire sur la liste de ma municipalité à Paris. Mais, pour cela, il faut que tu m'envoies sur-le-champ deux choses : un certificat du receveur des contributions vu par le maire du canton de Chasselay et légalisé, je crois, par le préfet ; mon extrait de baptême levé sur les registres de la paroisse de Saint-Nizier en date du 22 janvier 1775, parce que celui que j'avais est à la Légion d'honneur, d'où je ne sais s'il sortira jamais.

S'il faut, pour le certificat, qu'on aille à Chasselay, chef-lieu du canton de Poleymieux, envoies-y un homme de confiance que tu payeras bien ; je rembourserai tous les frais à Beuchot.

Pense, pour t'exciter à mettre à cela la plus grande célérité, que l'on[938] n'a plus ici pour faire ses déclarations que le temps tout juste de recevoir ta réponse, de me procurer le certificat des impositions que je paye ici, et d'aller à la mairie ! Mon ami, je t'en prie, que je ne sois pas privé de voter cette année où les députés de Paris et de Lyon sont renouvelés ! Ce serait sans ressource d'ici à 5 ans, et j'en aurais un bien grand chagrin, moi qui, de toute ma vie n'ai encore voté qu'une fois pour les élections cassées le 18 fructidor.

J'ai si peur que cette lettre ne parte pas aujourd'hui que je me hâte de la finir en te remerciant d'avance et en t'embrassant de toute mon âme. Donne-moi de tes nouvelles, de celles de nos amis ! Présente mes respects à Mme Polingue ! Ne néglige rien, je t'en prie, pour mon affaire ; il doit y en avoir tant du même genre que les formalités doivent être bien connues, pour éviter toute anicroche. Ton ami en ce monde et en l'autre. A. Ampère

Please cite as “L550,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 24 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L550