To Claude-Julien Bredin   14 août 1817

Amiens [14 août 1817]

Je reçois ici ta lettre des 2 et 3 août, n° 63. Mon temps a été rempli par des examens, des choses relatives à l'Université et, puisqu'il faut l'avouer, par la psychologie. M. Rendu, auquel j'ai communiqué mes idées à ce sujet, sur la grande route, en chaise de poste, m'a décidé à en imprimer une partie dans une des villes que je traversais. Mais j'étais si tourmenté d'en arriver là avant que mon tableau ne fût complet que je tremblais d'imprimer quelque erreur. Une minute pouvait en décider ; toujours détourné, où trouver cette minute ? Enfin la chose est faite ; j'ai eu les exemplaires au moment de quitter Douai ; en voici un ! Il ne faut pas oublier que tout mot écrit en lettres italiques désigne l'enchaînement des combinaisons dont le mot se trouve au-dessus écrit en caractères romains. Figure-toi ce que c'était que de changer encore des termes sur l'épreuve dans un moment si décisif, faisant choisir M. Rendu, et n'admettant cependant le nouveau terme que si je le trouvais préférable à celui qu'il devait remplacer.

Il y a encore des choses dans ta dernière lettre qui m'ont jeté dans un trouble et une inquiétude inexprimables : tu ne doutes plus ! Ainsi, à présent, tu es dans la croyance de l'église romaine, ou tu en es hors ?

Dans le subjectif, il y a une partie intuitive, une conceptive, une comparative et une cosmologique. La partie intuitive du subjectif se compose de la sensibilité, de la conscience, de l'activité, etc. Vois, pour comprendre cela, le tableau joint à ma lettre ! La psychologie, qui fournit ce tableau, y est elle-même comprise dans les combinaisons a posteriori, ou expérimentales, et explicatives du système comparatif. Elle se compose de deux parties : la psychographie ou description de l'intelligence, et la déduction psychologique ou enchaînement des jugements par lesquels on remonte des faits psychologiques à leur origine.

Dès que je serai à Paris, je renfermerai toutes ces idées en un petit volume. Dis-moi quels sont les mots du tableau dont tu ne saisis pas la signification. Mais insensé que je suis ! Comment ai-je pu me laisser aller à écrire ces choses qui ne sont pas l'unique nécessité (cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice !), et, après avoir commencé à t'en parler, ne point achever, quand je vois mon ami si près des abîmes de l'erreur !

Tu avais pourtant été appelé comme moi à ce tribunal de miséricorde ! Tu avais déjà songé au choix d'un prêtre ! Mais ces paroles : Time Jesum transeuntem et nunquam regredienten n'ont pas retenti à ton oreille ; tu as hésité, tu as différé, et Jésus-Christ a passé. Cette pensée m'accable. Es-tu catholique dans le sens où j'entends ce mot, ou te sépares-tu de cette universelle église, organe de toute vérité sur la terre ?

Adieu, que le Seigneur te rapporte sur ses épaules, comme la brebis de l'évangile !

Please cite as “L554,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 26 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L554