To Claude-Julien Bredin   29 mars 1818

[29 mars 1818]

Au lieu de pouvoir écrire sur la psychologie, j'ai été obligé de faire un programme de mon cours de logique à l'école Normale. Il était promis solennellement, interrompu à chaque instant ; ce n'est qu'après l'avoir recommencé quatre fois que j'ai pu aller jusqu'au bout. Enfin il est achevé et les élèves l'étudient pour se préparer à un examen qui aura lieu cette semaine. Ce programme me sera d'une extrême utilité ; c'est comme le canevas d'un ouvrage où je puis jeter presque toutes les bases de ma psychologie sous le titre modeste d'éléments de Logique, titre qui le fera répandre partout et particulièrement méditer par les professeurs de philosophie, etc. En publiant, à la suite de ce programme, un autre ouvrage sur les premiers développements de l'esprit humain, j'aurai exposé tous mes résultats et cette marche aura l'avantage de faire bien comprendre ce qu'il faut savoir pour saisir le reste.

As-tu enfin lu le livre de M. de Lamennais 1 *. J'ai un désir de te voir qui ressemble à ce que Gall appelle une idée fixe. Cette maladie du pays que j'éprouvais autrefois me reprend de nouveau. Je n'existe presque plus que dans le passé. Privé de ce que j'avais tant aimé, de ce que je regretterai toute ma vie, j'ai été bien malheureux à Lyon : mais alors mon âme était plus calme, toute pleine d'amour du bien. Pourquoi, en me livrant à tant de vaines occupations, me suis-je laissé aller à cette paresse impardonnable des choses du ciel ? Selon le monde, aujourd'hui, je suis parvenu à la fortune, à la réputation, à ce que beaucoup d'hommes peuvent désirer. Eh bien, cher Bredin, Dieu a voulu me prouver que tout est vain, hors l'aimer et le servir.

(2) Sur l'indifférence religieuse.

Please cite as “L562,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 28 March 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L562