To Jean-Jacques Ampère (fils d'Ampère)   Septembre1818

[Septembre 1818]
[588]Mon cher ami,

je voulais tous les jours répondre à la première lettre que tu m'as écrite lorsque j'ai reçu la seconde ; je t'en remercie bien, car elle m'a fait un grand plaisir.

La raison de mon silence est dans mon tableau même que je voulais t'envoyer ; je croyais chaque jour le faire. Je l'ai commencé deux ou trois fois et, toujours, je me suis arrêté en chemin, cherchant des mots qui rendissent mieux les idées que je voulais exprimer. J'ai fait, à cet égard, quelques modifications heureuses, mais il y a encore quelques mots douteux qui font que le tableau n'est point transcrit. Je le ferai incessamment et te l'enverrai de suite ; mais je n'ai pas voulu attendre de l'avoir achevé pour t'écrire ; car tu ne saurais pourquoi je reste si longtemps sans répondre.

Ta dernière lettre m'a surtout fait[589] beaucoup[de plaisir] par les diverses réflexions qu'elle contient et ce que tu me dis de l'homme célèbre à qui tu te proposes de rendre visite 1. Je l'ai vu une fois et je me souviens encore de l'impression profonde que sa vue me fit éprouver. Ce fut un des beaux jours de ma vie.

Quant à M. de Chabrier, tout son tort est d'avoir cru qu'il pourrait faire une chose, sur laquelle il ne peut rien ni moi non plus, et qui sort tellement de l'ordre commun des choses qu'elle ne pouvait réellement offrir aucune possibilité. En effet, les places de professeurs de Faculté, nec plus ultra de la carrière de l'enseignement, sont naturellement destinées à ceux qui ont longtemps rempli des chaires analogues, d'abord dans les collèges communaux,[590] puis dans les collèges royaux. Trois jeunes gens, MM. Cousin, Jouffroy et Beautin, y sont parvenus par exception, parce que d'abord, élèves de l'école normale, ils y avaient la place de maîtres de conférence, du moins deux d'entre eux, et qu'ensuite ils étaient vus avec une affection toute particulière de M. Royer-Collard, dont ils avaient reçu des leçons, du moins Jouffroy et Beautin. Il y avait là-dedans, en outre, comme une convention tacite jurandi in verva magistri.

Quant aux présentations qui se font par les Facultés de province, tu comprends assez l'influence qu'ont les liaisons particulières avec Monsieur le Recteur, Messieurs les professeurs, etc. C'est mon ami, mon cousin, mon compère.

Tout le monde se porte à merveille.[591] Le mal de gorge a décampé. La maison avance bien lentement. Il paraît décidé que nous nous y installerons de mercredi en huit.

Ma sœur, Albine et ma cousine t'embrassent ; tu aurais sans doute bien des amitiés de ta tante, de ton oncle et d'Elisa s'ils savaient que je t'écris 2. Je les ai vus il y a quelques jours, ils se portaient bien.

Adieu, mon bien-aimé fils, je t'embrasse de toute mon âme. A. Ampère.

chez M. Bastide au Limodin
(2) Probablement La Fayette.
(3) La cousine est la cousine Ampère dont il parle à Ballanche. L'oncle, la tante et Élisa, c'est la famille Carron.

Please cite as “L566,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 16 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L566