To Jean-Jacques Ampère (fils d'Ampère)   16 octobre 1818

[267] Ce 16 8bre [octobre] [1818]
Mon bon ami,

je suis bien contente que tu t'amuses et que tu profites du beau temps ; tu sais bien que je te l'avais annoncé lorsque tu passas ici quelques jours et qu'il pleuvait ; je te dis que cela ne durerait pas. J'ai parlé à ton papa du livre de M. de Jussieu et il l'achètera.

Quant au piano, il n'y a rien de décidé et même il paraît que l'on sera obligé d'en louer un, parce qu'il serait difficile d'en acheter un dans ce moment à cause des réparations de la maison et des dépenses qu'elle entraîne.

Ta chambre est entièrement achevée. J'ai été, il y a quelques jours, chez ta tante passer une partie de la journée et je suis revenue dîner avec élisa et[268] ton oncle ; ta tante n'est pas venue à cause de l'odeur de la peinture. Nous avons beaucoup parlé de toi ; élisa a dû t'écrire.

Tu parles de la moitié de l'entresol ; mais, depuis, l'autre moitié est louée à M. Despretz que tu as vu à la maison, qui s'occupe de chimie ; il y entrera au mois de janvier.

Adieu, mon ami, je t'embrasse de tout mon cœur. J. Ampère.

Mon bon ami, j'ai reçu tes trois lettres et, si je n'y ai pas répondu encore aussi au long que je l'aurais voulu, c'est que je suis, entre beaucoup d'autres occupations indispensables, chargé de faire pour demain lundi un rapport sur les cours d'analyse et de mécanique que Cauchy et moi faisons à l'école Polytechnique : rapport qui n'est pas achevé et qui est d'autant plus important qu'il s'agit de justifier et de faire adopter par le Conseil de perfectionnement ces changements[269] que nous avons proposé de concert de faire au programme de ces cours, surtout à celui du cours de mécanique.

Dès que je serai quitte de la rédaction de ce rapport et de la correction des dernières feuilles de mon mémoire qu'on imprime actuellement et où il ne reste pas beaucoup à faire, je t'écrirai la longue lettre que j'ai voulu t'écrire plusieurs fois, sans trouver le temps nécessaire seulement pour en écrire une partie.

J'ai été en masse tout à fait content de ce que tu m'écris dans ces trois lettres ; mais, dans les détails, j'aurais bien des observations à te faire. Ce n'est pas dans une lettre qu'on peut les développer ; nous ne parlerons, si tu veux, que de cela d'abord à ton retour. Il est très vrai que le but de l'homme n'est[270] pas cette vie ; ses plus nobles facultés se rapportent à une autre existence ; elles seraient de vrais contresens dans l'être borné à une durée si bornée, elles qui s'élèvent à l'infini et saisissent l'éternité ; il n'y a point des contresens pareils possibles. Je voudrais pouvoir te développer cette idée qui m'avait tant frappé à ton âge ; mais il faut retourner au rapport. Tu sais tout ce dont je te charge pour les personnes de la famille de Jussieu. Je suis charmé d'apprendre l'existence du père, l'ami dont de Jussieu ne m'avait point parlé. Ta chambre est entièrement prête, toute repeinte il y a déjà plusieurs jours ; elle t'attend, ou plutôt c'est moi qui t'attends avec l'impatience de la plus tendre amitié. Marque-moi l'époque où je pourrai t'embrasser !

Ma cousine est venue se plaindre de ce que ma sœur ne t'avait pas parlé d'elle ; elle m'a chargé de réparer cette faute en te faisant mille amitiés de sa part. Je t'embrasse un million de fois. Ton tendre père 1. A. Ampère

chez M. de Jussieu à Vanteuil
(2) La correspondance de Bredin mentionne trois lettres d'Ampère à Bredin le 23 octobre 1818, le 1er décembre et le 25 décembre, qui nous manquent, sauf le fragment 335 rapporté hypothétiquement au 1er décembre.

Please cite as “L569,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 5 May 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L569