To Jacques Roux-Bordier   18 mai 1819

[18 mai 1819]

Mon cher ami, c'est un vrai désespoir que de manquer de temps. J'ai vingt fois inutilement préparé dans ma tête de longues réponses à toutes vos hérésies politiques, économiques, psychologiques, etc. ; car je ne sais par quel mauvais sort mes idées sur ce sujet sont absolument contraires aux vôtres. Mais le temps, le temps ! Où peut en trouver un pauvre homme absorbé par mille occupations dont son existence et celle des autres dépendent et qui, pour l'achever, a eu la sottise de devenir propriétaire à Paris d'une maison et d'un jardin qu'il faut remplir d'ouvriers ? Ils ont bientôt fini, grâce à Dieu ; mais le résultat de mes combinaisons, c'est que le Journal de l'école Polytechnique, où j'imprime un grand mémoire de mathématiques, reste là interrompu. On crie contre moi comme si j'étais un scélérat ; je ne sais où donner de la tête et je pars dans treize jours pour ma tournée d'inspecteur général. Ah, si je pouvais vous rencontrer à Lyon ou au Molleron, comme j'expliquerais bien tout ce que je ne peux écrire. Si nous sommes aux antipodes à propos de certains sujets, il n'en est pas de même à l'égard de vos observations sur l'ouvrage de Ballanche * ; mais, de ce que vous avez presque toujours raison contre lui, il n'en est pas moins admirable.

Adieu, je vous aime de tout mon cœur.

Please cite as “L576,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 27 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L576