To Jean-Jacques Ampère (fils d'Ampère)   6 août 1820

[13] Paris 6 août 1820

Je t'écris, mon cher ami, de chez Mme Stapfer, qui vient de me donner des nouvelles des voyageurs. J'ai su que son fils et M. Cousin étaient avec toi et que vous vous disposiez à partir incessamment d'après un nouveau plan que je trouve bien préférable au précédent en ce que vous verriez d'abord la Suisse et dans son plus beau moment pour les sites, les cataractes ; ensuite que, si le voyage de Lombardie reste, vous le ferez dans une saison moins chaude et à une époque où l'on saura que quoi compter relativement à l'Italie, car je t'avoue que je trouvais bien imprudent d'y aller dans cet instant. S'il allait y éclater des troubles ! Vois si, dans ce cas, la prudence n'exigerait point de se borner cette année à bien[14] voir la Suisse et à remettre le reste du voyage à l'année prochaine ?

Tu comprends bien que c'est avec tes compagnons de voyage que cela doit être décidé ; je ne puis que vous offrir des observations, et puis vous laisser décider. Des voyageurs ont déjà bien du mal dans un pays en guerre réglée, où tout le monde risque d'être arrêté sur les conjectures les plus futiles, où tous les moyens de communications sont sans cesse [interrompus ]; mais c'est bien pire dans le soulèvement d'un pays, si ce malheur arrivait où vous vous trouveriez. On peut se trouver tout à coup dans une ville assiégée, bombardée, ou tomber dans un corps de fuyards, sur des routes où des fugitifs deviennent ce qu'on appelait en France des chouans. Je t'en prie en grâce, écris-moi sans cesse à Paris, que[15] je ne quitterai plus. Donne-moi sans cesse de vos nouvelles à tous trois ! Je serai trop inquiet quand il me faudra passer plusieurs jours sans en avoir. Mon cher fils, ne me mets pas dans une peine si cruelle quand tu pourras l'éviter ! Donne-moi la description de tout ce que tu verras ! Donne-moi aussi ton itinéraire le plus détaillé que tu pourras, et l'indication de tous les lieux où, à chaque époque, je pourrai t'écrire et des adresses à mettre sur mes lettres.

J'ai reçu ta dernière lettre à Amiens comme je venais de faire partir la mienne. Bredin ni Ballanche ne m'ont écrit. Je n'y comprends rien. Mais j'espère que tu m'auras écrit avant de quitter Lyon. Puissé-je recevoir demain une lettre de toi, où je trouve plus de détails sur le nouveau plan de voyage que dans la [16]lettre d'Albert à sa mère qui est bien obscure.

Tous ceux que tu aimes ici se portent bien et t'embrassent de tout leur cœur. Nous ne parlons que de toi depuis mon retour. Je t'en prie, fais à MM. Cousin et Stapfer les plus tendres amitiés de ma part. Les mêmes vœux de mon cœur vous accompagnent tous trois dans le voyage. Ton père t'aime et t'embrasse de toute son âme. Bien des détails, je t'en prie, sur ton itinéraire !

A monsieur J.J Ampère

Please cite as “L588,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 25 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L588