To Gaspard de La Rive   25 mars 1821

Paris 25 mars 1821

Monsieur, j'ai mille remerciements à vous faire de la lettre que vous m'avez[fait] l'honneur de m'écrire et de l'envoi de vos ingénieux appareils. Malheureusement, je ne me suis pas trouvé chez moi quand M. de Saussure me les a apportés : ce qui m'a privé du plaisir que j'aurais eu à causer avec lui, particulièrement sur celles de mes expériences qui ont été répétées à Genève et sur celles que vous avez ajoutées aux miennes. Un de vos appareils y ajoute, en effet, en montrant que le cercle métallique porté sur un flotteur dont se compose cet appareil remonte le long du barreau aimanté quand ce barreau est dans la situation où ses courants électriques sont dirigés dans le même sens que ceux du cercle métallique. Je ne sais trop comment on pourrait expliquer ce fait sans admettre l'existence des courants électriques dans les aimants. C'est une preuve très simple et très directe à joindre aux autres.

Je pense que vous me permettrez d'annoncer l'invention que vous avez faite de ces instruments dans un petit écrit que je rédige actuellement et je vous prie, si vous n'y voyez point d'inconvénient, de m'envoyer la description de celui que vous avez fait construire d'après l'indication du journal de Schweigger pour augmenter la force des courants, afin que je puisse en parler en même temps. Je n'avais aucune connaissance qu'on se fût occupé de ce problème et il y a une quinzaine de jours que j'ai, dans la même vue, fait construire un appareil où le même fil conducteur passe 120 fois entre deux chevalets toujours dans la même direction, afin d'exercer une action plus intense dans ce rapport. Mais il me paraît que l'appareil dont vous me parlez est fondé sur un autre principe.

Toutes les communications ou envois que vous aurez la bonté de me faire, Monsieur, me seront infiniment agréables et je me proposais de vous écrire avant d'avoir reçu la lettre dont je vous renouvelle tous mes remerciements. Le souvenir que j'ai conservé de l'époque heureuse pour moi où nous nous vîmes à Genève, et l'envie de suppléer par écrit à la privation des conversations que j'aimerais tant à avoir avec vous, m'y portaient naturellement, mais j'avais aussi à vous demander vos bons offices pour une chose à laquelle je mets beaucoup d'intérêt : c'est l'insertion dans l'excellent journal sur les sciences où vous mettez des articles si intéressants, de quelque note sur mes expériences et les conséquences que j'en ai déduites.

M. Maurice a dû écrire à Monsieur son père à ce sujet et, vu l'absence de M. Pictet, c'est à vous, Monsieur, que je voulais m'adresser pour appuyer la proposition que M. Maurice m'a promis de faire. Je lui ai remis une sorte de projet de note auquel je vous prie de faire tous les changements que vous jugerez convenables dans le cas où vous ne la trouveriez pas indigne, après les améliorations dont vous l'auriez trouvée susceptible, de trouver place dans la Bibliothèque universelle. J'y ai rendu compte, non seulement des mémoires que j'ai déjà publiés, mais aussi de quelques autres qui ont été lus depuis à l'Académie des Sciences et que, faute de temps, je n'ai, point encore pu mettre en état d'être présentés au jugement de ceux qui cultivent la science dont vous vous occupez avec tant de succès.

J'ai adressé, par l'entremise de M. Maurice, un exemplaire de mon mémoire à M. Pictet. J'espère qu'il lui sera parvenu ; mais je crains que les événements qui ont pu rendre les communications plus difficiles m'aient privé d'en avoir la certitude.

Je vous prie d'agréer l'assurance de la haute estime et de la sincère amitié que je vous ai vouées, d'être assuré que ces sentiments vivront toujours dans mon cœur et de me croire votre très dévoué serviteur, A. Ampère

A Monsieur de La Rive, professeur à l'Académie de Genève , etc., Genève, Confédération helvétique

Please cite as “L598,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 18 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L598