To Claude-Julien Bredin   juin 1821

[Juin 1821]

Cher ami, qu'il y a longtemps que j'aurais dû répondre à ta lettre ; elle m'a fait tant de plaisir ! Je suis si touché de ce que tu trouves le temps d'écrire à ton ami, quand même il t'écrit si rarement parce qu'il se laisse absorber par des occupations dont la plupart sont à la vérité indispensables et les autres sont des recherches de nouvelles vérités physiques pour lesquelles il s'est passionné. J'aurai donc le plaisir de te voir dans deux mois et demi ! Tu ne peux concevoir quel bonheur c'est pour moi. Je ne comprends pas comment on n'a pas réussi à faire mes expériences à Lyon. Je les ai encore faites ces jours-ci avec le plus grand succès au moyen des appareils tout semblables à celui de M. Clerc qu'on a construits ici pour divers établissements d'instruction, et cela en me servant d'une simple pile de Wollaston de dix couples dont les plaques n'avaient que trois pouces de large et quatre pouces de haut. Ces piles sont ce qu'il y a de plus commode ; on en fait beaucoup à présent ; elles coûtent soixante francs. Comme, pendant que je serai à Lyon, je montrerai à MM. Clerc, Socquet, etc., comment il faut s'y prendre pour mes expériences et pour les nouvelles qui forment un nouvel ensemble de faits aussi remarquables et aussi importants que les premiers, tu me rendrais un grand service de voir M. Clerc, ou que M. Socquet le vît pour cela. Je t'en prie en grâce. C'est pour lui dire d'abord que, dès que je serai à Lyon, je ferai toutes ces expériences avec lui ; ensuite, que, s'il voulait une pile comme celle dont je viens de te parler, il me le fit savoir pour que je lui en fasse faire une ici, qu'on lui enverrait de suite afin que tout fût prêt quand j'arriverai à Lyon, pour faire de suite les expériences. Je te prie en grâce de m'écrire à ce sujet ; car la réussite de ces expériences à Lyon est une chose qui me tient extrêmement à cœur et je suis rongé de tant d'inquiétudes que tu seras bien aise de m'en ôter une qui me tourmentera jusqu'à ce que tu m'aies répondu.

Cher ami, que je voudrais pouvoir te dire combien je t'aime, combien je me porte de toute mon âme à ces jours de bonheur pour moi où je pourrai te voir !

Je te prie de présenter mes hommages à Mme Bredin et de lui répéter combien je suis reconnaissant de tous les soins qu'elle a eu la bonté de prendre de moi pendant que j'étais à Lyon.

Je vais me coucher, je souffre trop de la tête et de la poitrine ; ton ami t'embrasse, tu sais si c'est avec tendresse. Mais tu ne sais pas à quel point ton amitié est tout pour moi. écris-moi ; je t'en prie. A. AMPÈRE

A Monsieur Bredin , directeur de l'École royale vétérinaire, à Lyon (Rhône).

Please cite as “L603,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 19 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L603