To Claude-Julien Bredin   2 avril 1822

[337] Mardi 2 avril 1822

Je n'ai qu'un instant pour t'écrire, cher ami, étant accablé d'ouvrage au delà de toute expression. Je viens de quitter Ballanche qui a dîné ici ; il se porte bien. C'est un jour de joie aujourd'hui ; il paraît qu'enfin la délivrance de l'Orient de l'Europe est décidée. Voici un tableau parfait, où rien ne sera plus jamais changé. Tu reconnaîtras aisément tout ce que je t'ai dit dans ma dernière lettre. Si tu as fait le travail auquel je t'engageais dans cette lettre, tu liras ce tableau comme un roman. Sinon, il te faudra, pour le comprendre, l'étudier avec la lettre d'aujourd'hui. Que je serais heureux que tu l'eusses fait, ce travail ! L'admirable patience que tu avais eue de faire celui que je t'ai renvoyé avec bien moins de renseignements, me donne l'espoir que tu auras fait l'autre ; d'ailleurs, tu me le dois, puisque ce n'est que pour te faciliter que je t'ai envoyé l'autre que je devais garder tonte ma vie comme un monument de cette amitié pour moi, dont je suis si digne, qui t'a déterminé à ce travail que je vis avec tant de joie ! Elle pourrait seule t'en faire surmonter l'ennui que je ne me dissimule pas. Envoie-moi donc vite le tableau que tu as préparé pour ton ami ; j'aime encore mieux que chaque système soit rangé comme tu le fais que comme dans ce tableau-ci.

J'ai reçu aujourd'hui une lettre de la[338] Commission de l'Instruction publique, qui m'annonce que ma tournée comprend l'Académie de Lyon. Ainsi nous nous verrons, je pense, au mois de juillet prochain. Il ne faut pas, je crois, en répandre la nouvelle encore à Lyon ; mais dis-le en secret à celui que j'aime tant, quai de la Feuillée !

Je t'en prie, examine quels sont les mots du tableau, auxquels tu n'attaches pas encore une idée bien précise ; fais m'en une petite liste dans ta première lettre pour que je te donne des nouveaux détails sur le groupe de pensées qu'ils représentent pour moi.

Mes respects, je t'en prie, à Mme Bredin et des millions de baisers à tes enfants. Tu sais combien tendrement ton ami t'embrasse. A. Ampère

Please cite as “L615,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 23 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L615