To Simon Speyert van der Eyk   12 avril 1822

Paris 12 avril 1822
Monsieur,

j'ai éprouvé un véritable chagrin en recevant votre lettre datée du 15 mars dernier, en voyant que vous m'aviez prévenu dans l'intention où j'étais de vous écrire, et de répondre à la lettre que vous m'aviez fait l'honneur de m'adresser l'année passée. Cette précédente lettre ne m'a été remise qu'à mon retour à Paris, après un voyage dans le midi de la France où j'avais été pour remettre ma santé très délabrée à cette époque.

Je trouvai cette lettre en arrivant à Paris avec une de M. van Beek et une de M. Van der Heyden. Je me proposai de répondre à toutes trois et je commençai par celle de M. van Beek, à cause qu'elle contenait une expérience importante pour la confirmation de ce que j'avais lu à l'Académie des Sciences, au mois de janvier 1821, sur la plus grande probabilité de la manière de considérer les courants électriques des aimants, autour de chacune de leurs particules. Je voulus traiter cette question en détail, y joindre d'autres considérations, en sorte que ma lettre à M. van Beek, commencée le 12 janvier, n'a été finie que le 27 mars. J'ai si peu de temps disponible que je n'ai pas la possibilité de faire la plus grande partie des expériences dont j'aurais besoin. Au reste vous pourrez voir cette lettre dans le Journal de Physique de M. de Blainville.

J'ai mille et mille remerciements à vous faire de l'envoi de votre mémoire que j'ai lu avec un extrême plaisir. L'expérience de M. de La Rive, qui semble au premier coup d’œil ne pas s'accorder avec ma théorie, en est au contraire une suite nécessaire, aussi bien que les expériences si remarquables de M. Faraday et celles que j'ai faites depuis et que vous trouverez annoncées dans ma lettre à M. van Beek, insérée dans le numéro du Journal de Physique qui paraît actuellement.

Ces expériences ont été communiquées à l'Académie aux mois de décembre et de janvier derniers. Mais, pour bien concevoir toutes les circonstances de l'expérience de M. de La Rive, il faut faire attention à l'inclinaison que prennent, relativement à l'axe de l'aimant, les courants électriques qui circulent autour de ses particules en vertu de leur action mutuelle. J'ai depuis longtemps cherché à exprimer cette inclinaison pour chaque particule d'après sa distance à l'axe de l'aimant, et l'endroit de la longueur de cet axe où la particule répond perpendiculairement. Quoique j'aie aisément déterminé le sens de cette inclinaison et les résultats généraux parfaitement conformes aux expériences qu'elle doit avoir dans la production des phénomènes, que j'aie même fait graver dans une planche qui doit faire suite à celle de mon premier mémoire, je n'ai encore rien publié à ce sujet faute de temps, et parce que les calculs que M. Savary et moi avions essayés pour parvenir à une détermination suffisante de la valeur mathématique de l'inclinaison, ne nous ont pas encore donné les résultats que nous espérions. La seule chose qui ait paru sur ce sujet est une note de l'analyse des travaux de l'Académie royale des sciences pendant l'année 1821, par M. Delambre.

Je joins ici cette note tirée du commencement de l'article de cette analyse où ce grand astronome rend compte de ce que j'ai fait sur les faits de l'électromagnétisme pendant cette année, J'ai l'honneur d'être avec la plus parfaite considération, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. A. Ampère

à Leyde, Royaume des Pays-Bas

Please cite as “L616,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 23 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L616