To David Brewster   18 avril 1822

[217] Paris 18 avril 1822

Je sais tout le prix des moments que vous consacrez au progrès des Sciences, je crois cependant pouvoir vous prier de m'en sacrifier quelques-uns. Deux motifs m'y engagent. Le premier est l'inquiétude que j'ai conçue sur le sort de la lettre que je vous écrivis en réponse à celle par laquelle vous m'annonciez la distinction peut-être la plus flatteuse que j'ai reçue de ma vie, le choix qu'avait bien voulu faire de moi, comme membre étranger, l'illustre Société dont vous êtes le Secrétaire. Cette lettre partit de Paris peu de jours après que j'eus reçue la vôtre. M. Hachette, qui a une correspondance suivie avec l'Angleterre et par l'entremise duquel j'avais écrit à M. Faraday et reçu deux lettres de ce savant m'ayant offert de vous faire[218] parvenir la mienne, je la lui remis dans cette vue et il s'assura qu'elle vous parviendrait par la voie la plus sûre. Cette lettre contenait tous mes remerciements à la Société royale d'Édimbourg de l'honneur inespéré et si précieux pour moi qu'elle venait de me faire, je vous adressais aussi tous ceux que je vous dois pour la part que sans doute vous avez bien voulu y prendre, et d'autres détails encore que vous y avez trouvés sans doute, car je me flatte qu'elle vous a été remise. Quelque temps après, M. Hachette me dit qu'il avait mis cette lettre dans le même paquet que celle à M. Faraday dont il me donna en même temps une lettre qui contenait plusieurs choses importantes sur le sujet de physique dont je m'occupe spécialement depuis 18 mois. M. Hachette ajouta que vous aviez sans doute reçu ma lettre quoique envoyée d'abord à Londres, parce qu'il l'avait envoyée avec beaucoup de soin. Je craignis un instant[219] que cette voie ne fût pas aussi sûre qu'il me le disait, mais il me rassura.

Cependant, M. d'Arblay, qui étudie à l'Université de Cambridge et qui était alors à Paris retournant à Londres, je lui donnai une lettre pour M. Faraday en le priant de savoir si celle que je vous avais écrite dans le temps vous était en effet parvenue.

M. d'Arblay me promit de m'écrire ce qu'il en saurait dès qu'il aurait vu M. Faraday. Voilà un mois qu'il est parti et je n'en ai point de nouvelles. Voilà ce qui me rend bien inquiet, car je regarderais comme un des plus grands malheurs de ma vie si ma lettre s'était égarée et que la Société n'eût pas encore reçu l'hommage de ma profonde reconnaissance. Si ce malheur m'était arrivé, je vous prierais de lui présenter cet hommage et mes excuses d'un silence qui n'aurait pas dépendu de ma volonté. Mais ce dont je vous supplie, dans tous les cas, c'est de me tirer de cette inquiétude par un mot de réponse. Le second motif qui m'engage à vous le demander, c'est qu'ayant[220] quelques mémoires à présenter à la Société royale, vous me rendriez un grand service en m'indiquant une voie sûre pour vous les faire parvenir.

Je vous prie, Monsieur, d'agréer l'hommage de mon respect et de tous les sentiments de haute considération et de vive reconnaissance que vos nobles travaux dans les Sciences inspirent à tous ceux qui s'intéressent à leurs progrès. J'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. A. Ampère

à M. Brewster, secrétaire perpétuel de la Société royale d'Édimbourg .

Please cite as “L617,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 25 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L617