To Claude-Julien Bredin   24 septembre 1822

Mardi [24] septembre 1822

Cher ami, mon voyage de Genève ici a été au mieux. Je suis venu jusqu'à Dôle en deux jours avec le même cheval attelé à une petite carriole où j'étais seul. J'ai trouvé à Bâle la voiture publique à point nommé. Parti de Genève mercredi matin, je suis arrivé à Paris le dimanche à 10 heures. Avant déjeuner, j'ai eu le temps d'écrire à la hâte pour l'Institut, et j'ai eu, le lendemain lundi 16 septembre, les résultats de trois nouvelles expériences que j'avais faites à Genève. L'une a constaté un cas de répulsion entre deux portions de courants électriques que j'avais déduit de mes formules dans le mémoire lu le 24 juin. Cet accord de l'expérience avec un résultat annoncé d'avance est une grande preuve en faveur de ces formules. La seconde expérience a montré la production des courants par influence que j'avais essayée sans succès il y a plus d'un an. La troisième a pour objet de prouver plus complètement le principe dont je me suis servi dans le mémoire du 10 juin pour achever ma formule où il était resté jusqu'alors quelque chose d'indéterminé.

J'ai encore lu quelque chose à la séance d'hier sur l'action électro-dynamique de la terre 1, afin de montrer, sans l'énoncer explicitement, combien sont dénuées de fondement les objections contre ma théorie qui ont paru dans le dernier numéro des Annales de Physique et de Chimie. Au reste, ces objections de M. de La Rive, chez qui je demeurais à Genève, étaient déjà absolument résolues dans mes conversations avec lui et son fils Auguste, qui sera infailliblement un grand physicien. Il m'a aidé dans toutes mes expériences, son père m'a comblé d'attentions dont je conserve la plus vive reconnaissance. J'ai reçu en arrivant une lettre de M. Faraday ; je fais construire un appareil que je viens d'imaginer pour de nouvelles expériences.

Mon fils a fait la scène qui manquait au premier acte et une partie du cinquième. Il roule dans sa tête celle où Almagis boira la coupe empoisonnée. Malheureusement il part demain 2 avec le jeune Stapfer pour aller voir la mer au Havre ou à Dieppe. Ce voyage fera une interruption de huit jours à son travail. Il lit assez bien le chinois pour comprendre tout seul ses livres.

Ballanche va très bien ; il m'a donné des nouvelles de Lenoir. On lithographie mon tableau de métaphysique, que j'ai encore un peu perfectionné à Genève.

Amitiés à Bonjour. Parle-moi de M. de Biran, de M. Huzard. Que ma filleule Agathe pardonne mon départ précipité ! Comme on a eu soin de moi à l'école vétérinaire pendant ce temps si vite écoulé ! Adieu. A. Ampère

(2) D'après la lettre du 25 septembre à Gaspard de La Rive, Ampère a, en effet, continué le 23 septembre la lecture commencée le 16 septembre, bien qu'elle figure seulement à la date du 16 dans les Comptes rendus.
(3) Le départ est du 25 septembre.

Please cite as “L629,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 27 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L629