To Elise Carron (soeur de Julie)   6 mai 1801

Lione , il sesto di maggio del 1801 [6 mai 1801]
Cara ed amabile sorella,

Priachè un destin crudele l'involo à tutti suoi amici per riportarla frà le bracchia del caro sposo, le promessi de scriverle in quella lingua che le sembra cosi piacevole, di farte perdonnare a tutto cio che le si scrive in italiano. Mi perdonna dunque s'io male scrivo, che da trê anni mi sono quasi affato dimenticato di tanta dolce e tenera favella. Melle rincresce oggi più che mai poichè sono da scriverle.Vorrei aver da narrarle alcune novellette che potessero dilettarla. Ma non so dove pigliarne. Se posso a bel agio disporrc d'on poco di tempo, non sono cosi sciocco di perderlo lunge del amor mio, e del nostro tenero pargolette, per andare in traccia di. quel che si fa o si dice.

I miei amici potrebbero farmi consapevole d'alcune leggiadre cosette, ma se conducono corne se m'avessero affato dimenticato. Econe uno al quai già due volte scrissi senza averne la menoma riposta. Non so corne sensarlo se non persuadendomi che possibile ê che sia morte ; se il povero se lasciato innamorare, temo molto che sia morto d'affano. Mi dirà che in questo secolo gli amorosi non muojono più, se non di modo che dopo pochi momenti, risorgono non meno vivi che pria di morire, ancorche ne restano per volta un poco pallidi. Udia dunque, e udiano insieme tette le donne scortesi e crudeli, la sventura di un giovine di questa citta. II figlio del signor Joseph René Ruelle, nomo famoso in Lione per claie lezioni a molti scolari sulla tenuta de libri e il cambio del argento, e per aver stampato un tratto della medesima scienza, il suo figlio, corne dissi, andonne da una donna, chiamata Koch, mercatrice di caffê e cervisia, le ha narrato tutto l'amore ch'ella gli ispirava, l'ha precata almeno di leggere un viglietto ove avea fatta cosi dolce e viva descrizione del amor suo, che la donna ne dovesse essere commossa. E quando quest' impia, barbara e crudele reina de suoi pensieri, s'è ne sempre burlata, rigettando il tutto, e aggravando il caso d'alcune parolctte scortesi, il povero giovine s'è trapassato il cervello col piombo d'uno pistoletto, bel coipo ! dal quale e caduto morto ! Oggi tutti giovani vanno comprare cervisia in quello caffè, per veder Madame Koch, e insieme l'appertura che il piombo ha fatta nelle solive, dopo aver dato la morte a povero giovine. Vene sono più favoritè della sorte. E si dice che le donne non sono tette crudeli a tal segno.

Addio, cara sorella, vi abbracia con una cosi tenera amista, che alcuni potriano prenderlà per un sentimento più vivo, s'io la sentissi per una altra, e non per mia sorella. Abbraciate a mio nome il mio fratello, gli farà questo braccio piu gradevole, ne son certo, che un mio. Non s'offenda, non di mono s'io credo che se il mio gli fosse dato in Lione in mezzo a tutti noi, gli farebbe forse piacere ancor più vivo ! Felice e avventuroso bacio che sarebbe il pegno della felicità che gustaremo tutti uniti ! Mi creda per la vita il suo più fidele amico, e divotissimo Fratello A. AMPÈRE.

Io avea tralasciato questa pagina da scrivere acciochè la mia Guiliu potesse scriverle anche gli addj, che avrebbe trovati dolci in ver ma più amari ancora, di darle di pin presso. Ma mi sono dimenticato di fat-ne ella consapevole di questo, e oggi e andata dalla sua madre, sicchè non posso più fare ch'ella le dice tutte le premure che sentono scambievolmente due sorelle separate dal destino. Mene rincresce, ma che fare ? Bisogno inviare or sie ora quella lettera à la posta. D'altrove conosce assai bene l'amista di sua picciola sorella, per non chiederne pegni. Addio dunque, cara sorella mia

Lyon, le 6 mai 1801
Chère et aimable sœur,

Avant qu'un destin cruel vous ait soustraite à tous vos amis pour vous ramener dans les bras d'un cher époux, je vous ai promis de vous écrire dans cette langue qui vous semble si agréable pour vous faire pardonner tout ce qu'on vous écrit en italien. Pardonnez-moi donc si j'écris mal, parce que depuis trois ans, j'ai presque oublié cette langue si douce et si tendre. Cela me contrarie plus que jamais aujourd'hui puisque j'ai à vous écrire. Je voudrais avoir à vous raconter quelques nouvelles qui puissent vous plaire. Mais je ne sais où les prendre. Si je puis disposer à mon aise d'un peu de temps, je ne suis pas assez sot pour le perdre loin de mon amour et de notre tendre petit enfant pour aller à la quête de ce qui se fait ou se dit.

Mes amis pourraient m'informer de quelques galantes petites choses ; mais ils se conduisent comme s'ils m'avaient tout à fait oublié. Il y en a un auquel j'ai déjà écrit deux fois sans avoir la moindre réponse. Je ne sais comment l'interpréter à moins de supposer qu'il est peut-être mort. Si le pauvre s'est amouraché, je crains qu'il ne soit mort de chagrin. Vous me direz que dans ce siècle les amoureux ne meurent plus, sinon de telle sorte qu'au bout de quelques instants ils ressuscitent aussi vivants qu'avant de mourir, sauf qu'ils sont parfois un peu pâles. écoutez donc et que toutes les femmes dures et cruelles écoutent aussi ce qui est arrivé à un jeune homme de cette ville. Le fils de M. Joseph René Ruelle, nom bien connu à Lyon pour donner à beaucoup d'élèves des leçons de tenue des livres et de change et pour avoir publié un traité de la même science, son fils, dis-je, s'est épris d'une femme nommé Koch, marchande de café et de bière, lui a dit tout l'amour qu'elle lui avait inspiré, l'a priée tout au moins de lire un billet où il avait fait une si douce et vive description de son amour que la dame devait en être émue ; et, quand cette impie, barbare et cruelle reine de ses pensées se fut toujours moquée de lui, rejetant le tout et aggravant le cas de quelques paroles impolies, le jeune homme s'est brûlé la cervelle avec la balle d'un pistolet, un beau coup ! dont il est tombé mort. Aujourd'hui tous les jeunes gens vont acheter de la bière dans ce café pour voir Mme Koch et, en même temps, le trou que la balle a fait dans les solives après avoir donné la mort au pauvre jeune homme. Ils en sont plus favorisés du sort, et l'on dit que toutes les femmes ne sont pas aussi cruelles.

Adieu, ma chère sœur, je vous embrasse avec une si tendre amitié que l'on pourrait la prendre pour un sentiment plus vif si je l'éprouvais pour une autre et non pour ma sœur. Embrassez en mon nom mon frère : ce baiser lui sera plus agréable, j'en suis certain, que le mien. Il ne s'offensera pas du moins si je pense que, si le mien lui était donné à Lyon au milieu de tous les nôtres, il lui ferait peut-être un plaisir encore plus vif. Heureux et fortuné baiser qui serait le signe de la félicité que nous goûterons tous en étant réunis ! Croyez-moi pour la vie votre ami le plus fidèle et le plus dévoué. Votre frère AMPÈRE.

J'avais laissé cette page libre afin que ma Julie put écrire aussi les adieux qu'elle aurait trouvé certainement doux mais plus amers encore de donner de plus près. Mais j'ai oublié de l'en informer et aujourd'hui elle est allée chez sa mère de sorte que je ne puis faire qu'elle vous dise tous les sentiments qu'éprouvent mutuellement deux sœurs séparées par le destin. Cela me contrarie, mais qu'y faire ? Il me faut maintenant envoyer cette lettre à la poste. D'ailleurs vous connaissez assez bien l'amitié que vous porte votre petite sœur pour ne pas en demander de signes. Adieu donc, ma chère sœur.

A Mme Carron, chez Mercey, n° 16, rue Cérutti, à Paris.

Please cite as “L63,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 19 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L63