To Auguste de La Rive   28 décembre 1822

28 décembre 1822
Monsieur et très cher ami,

Je saisis un instant à la hâte, au milieu des occupations urgentes auxquelles je ne peux suffire depuis qu'on a exigé de moi des rédactions de mes leçons à l'école Polytechnique qui m'ont empêché d'écrire à Monsieur votre père comme je me l'étais proposé. Priez-le qu'il me le pardonne ; et je me dépêche de vous remercier de votre lettre du 12 décembre.

Je vous prie de faire mille et mille remerciements à M. Pictet de ce qu'il a la bonté de donner place à ma dernière lettre dans la Bibliothèque universelle Je vous remercie de la peine que vous avez prise pour vous assurer que les huit pages du cahier de décembre pourraient suffire à ce qui, dans cette lettre, se rapporte à l'explication corrigée de la loi de l'action mutuelle de deux conducteurs perpendiculaires entre eux, à ce que je vous disais relativement à la manière dont M. Faraday explique les phénomènes électrodynamiques, à l'emploi du mot rhéophore et à quelques autres choses peut-être dont je ne me souviens guère et dont je crois me rappeler confusément avoir désiré la publication. C'est, je pense, quelque chose qui annonçât un calcul qui montre que, d'après les formules du mémoire que j'ai lu à l'Institut le 10 juin dernier, le moment de rotation du conducteur mobile à la manière de l'aiguille d'une montre, par l'action d'un conducteur rectiligne indéfini, était le même dans toutes les situations que ce conducteur mobile occupe successivement, et l'indication d'une expérience destinée à savoir si cela a lieu quand il s'agit de l'action de notre globe, quand cette action produit le mouvement de rotation toujours dans le même sens. Si vous pouviez en faire l'expérience !

Dans le cas où elle réussirait, ce serait un quatrième cas d'équilibre. J'avais projeté, il y a près de deux mois, de faire de cela le sujet d'une Note que j'aurais lue à l'Institut ; mais je n'ai pu l'écrire faute de temps, et je ne sais si j'aurai d'ici quelque temps la possibilité de le faire. Ce qui s'en trouverait dans la Bibliothèque universelle suppléerait à cette impossibilité.

Dans le cas où cela se trouverait dans la partie de ma lettre relative à l'ordre méthodique des faits qui ne doit pas faire partie de ce qu'on imprimerait (d'autant plus que je joins à cette lettre une épreuve d'une nouvelle exposition méthodique que je crois préférable), ne pourriez-vous pas me rendre le service d'en séparer ce qui est relatif à ce résultat de calcul et à l'expérience correspondante, pour le joindre au reste ? Si le nouvel exposé méthodique que je joins à cette lettre paraissait à M. Pictet mériter quelque attention, il pourrait l'insérer dans un autre cahier.

En attendant, je vous donne carte blanche pour faire à la partie de ma lettre qui doit paraître dans celui de décembre, tous les changements, transpositions, abréviations, etc. que vous jugerez convenables. Je vous prierai seulement, puisque vous ne cessez de me donner des preuves d'amitié auxquelles je suis on ne peut plus sensible : de faire tirer à mon compte 300 exemplaires de ce que vous conserverez de ma précédente lettre dans la Bibliothèque universelle ; de ne point faire la même chose de ce qui pourrait y paraître ensuite de l'exposition méthodique ci-jointe, puisque j'aurai dans quelques jours les 300 exemplaires conformes à l'épreuve que je vous envoie ; de commencer les pages des 300 exemplaires de cette lettre dont nous parlons par le n° 337, puisque c'est ce qui doit faire suite aux pages conformes à l'épreuve ci-jointe, laquelle finit, comme vous pouvez voir, à la page 336.

C'est par cette lettre que je finirai mon Recueil, et je n'attends plus que cela pour le publier complet, sauf à commencer un autre volume quand j'aurai la matière pour cela.

J'ai un autre service à vous demander, c'est de vous charger de tous mes remerciements pour M. Prevost, qui a eu la bonté de m'envoyer son mémoire, extrait de la Bibliothèque universelle, sur une explication des phénomènes électrodynamiques, qui les ferait rentrer dans les lois de l'électricité ordinaire. Ce travail m'a fait un grand plaisir ; mais le temps me manque pour l'examiner à fond, de manière à pouvoir, avec connaissance de cause, adopter ou non cette explication. Une circonstance qui ne fait peut-être rien au fond de la chose, mais qui est cependant fâcheuse et pourrait exiger un correctif, c'est que M. Prevost suppose dans cet écrit que, s'il y a attraction entre deux fils conducteurs formant un angle aigu, cette action devient nulle quand l'angle est droit et répulsive quand il devient obtus : ce qui est absolument contraire à toutes les expériences et à tout ce que j'ai écrit sur ce sujet. L'action nulle quand l'angle est droit, etc., c'est précisément dans des dispositions de conducteurs où il l'est que j'ai produit le mouvement continu toujours dans le même sens avec un conducteur fixe en spirale, etc.

Ah, sans doute qu'il y a immensément à faire sur l'action des courants entre eux, celle d'un courant sur un aimant et celle d'un aimant sur un autre ! Je n'aurai de quelque temps la possibilité de m'occuper de cet intéressant sujet ; je m'en console en pensant que vous le ferez, et que la science n'y perdra rien. M. Pouillet m'a dit que son mémoire sera bientôt imprimé ; mais je ne sais au juste ni où ni quand ; je ne sais guère de ce qu'il contient que le peu qu'on a inséré dans les Annales de Chimie. Je suis à peu près sûr qu'il n'y a rien dans ce mémoire de relatif aux recherches dont vous me parlez plus particulièrement ; cela me paraît un champ neuf que vous êtes appelé à cultiver. On annonce l'arrivée prochaine de M. Œrsted à Paris ; je l'attends avec impatience, mais ne puis avoir aucune idée de ses projets ultérieurs.

Ce serait un bien grand bonheur pour moi de vous revoir bientôt ; mais je ne puis l'espérer que quand vous viendrez à Paris. Vous savez que votre chambre est prête dans l'appartement que j'occupe : ce que nous appelons la bibliothèque en attendant que ce soit la chambre de M. de La Rive. Je vous prie, Monsieur et cher ami, de présenter mes respectueux hommages à Monsieur votre père, à Madame votre mère. Je n'oublierai jamais leurs extrêmes bontés pour moi.

Mille choses aussi, je vous prie, à MM. Pictet, Prevost, de Candolle, etc. Recevez en même temps l'assurance de la tendre amitié et de l'entier dévouement de A. Ampère

A M. Auguste de La Rive, chez M. de La Rive, professeur de chimie à l'Académie, etc., rue de l'Hôtel–de–Ville, à Genève, Confédération helvétique.

Please cite as “L633,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 25 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L633