To Auguste de La Rive   21 août 1823

Paris 21 août 1823
Monsieur et très cher ami,

Je suis si honteux de n'avoir pas encore répondu à la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 13 mai dernier, que j'ose à peine réparer ma faute en profitant du premier moment où je me trouve un peu moins accablé d'occupations urgentes par la fin des cours et des examens qui les suit immédiatement à l'école Polytechnique. Je désire trop cependant n'être pas privé plus longtemps de votre intéressante et instructive correspondance pour ne pas le faire.

Combien j'aurais plus désiré encore de vous voir remplir la promesse que vous m'aviez faite de venir cette année à Paris ! Que de choses nous aurions eu à nous dire. Vous aviez une chambre toute prête, les fenêtres sur mon jardin où nous aurions eu de si bonnes conversations sur la physique, sur les calculs de M. Savary qui changent en démonstrations les preuves de l'identité de l'électricité et du magnétisme, et sur la découverte de MM. Prevost et Dumas qui, en se joignant aux expériences sur la digestion rétablie par le courant électrique après la section des nerfs pneumo-gastriques, va montrer que c'est encore la même cause qui préside à la vie végétative et à l'exécution de nos volontés par nos membres. Vous me rendriez un bien grand service, Monsieur et très cher ami, d'abord en m'excusant auprès de Monsieur votre père et de M. Maurice si je n'ai pu leur écrire. Je n'ai pas eu le temps d'exécuter la moitié des choses les plus importantes que j'avais à faire. Je pense que M. Maurice reviendra enfin à Paris. Ce sera une grande joie pour moi, vous la doubleriez si vous profitiez de l'occasion pour venir avec lui.

Ensuite, vous me feriez bien plaisir si vous pouviez me donner des nouvelles d'un morceau que j'envoyai il y a deux ou trois mois à M. Pictet dans l'espoir qu'il l'insérerait peut-être dans la Bibliothèque scientifique. Ce morceau, qui n'a paru dans aucun recueil scientifique, fait à la vérité partie des exemplaires de mon Recueil qui sont complets ; mais la plupart ne le sont pas et, dès lors, ce morceau où j'annonçais plusieurs résultats que je n'ai pas eu le temps de rédiger et où j'avais fixé le point de vue sous lequel on doit considérer les théories électrodynamiques et magnétiques n'est point connu de la plupart de ceux qui s'occupent de ce sujet. Je voudrais du moins savoir ce que M. Pictet a décidé à cet égard. En même temps, je vous prierais bien de me rappeler à son souvenir et à celui de ceux de nos amis communs qui sont à Genève. Je ne sais si l'on y connaît un Précis que je trouve très complet et très bon sur tout ce qui dépend de l'électricité dynamique ; il est de M. de Demonferrand et a été publié sous ce titre : Manuel d'électricité dynamique, etc., chez Bachelier, libraire, quai des Augustins.

Je vous prierai d'offrir à Monsieur votre père et à Madame votre mère l'hommage de mon respect et de la vive reconnaissance que leurs bontés pour moi ont gravée dans mon cœur. Je vous en dois aussi beaucoup, Monsieur et très cher ami, des lettres que j'ai reçues de vous ; j'en désire une bien vivement, ne fût-elle que de quelques lignes, pour savoir des nouvelles de tout ce qui m'intéresse à Genève. Nul ne vous est plus tendrement attaché et ne fait des vœux plus sincères pour tout ce que vous pouvez désirer. A. Ampère

Please cite as “L641,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 29 March 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L641