To Claude-Julien Bredin   20 septembre 1823

20 septembre 1823
Cher ami,

mardi prochain est un grand jour pour moi, destiné à la lecture de la nouvelle Rosemonde devant MM. Andrieux, Picard, Raynouard, Casimir Lavigne, etc. Rosemonde a été finie il y a neuf jours à Vanteuil, où j'avais été voir la famille de Jussieu avec mon fils. C'est à présent Alboin mourant qui dit le dernier vers de la pièce : Et faites expier mon trépas aux Romains.

Tous les morceaux que j'aimais sont conservés dans la tragédie actuelle, à l'exception de la scène de l'empoisonnement, que les littérateurs dont je viens de te parler ont unanimement condamnée. Au reste, elle était incompatible avec la belle scène d'Alboin mourant, qui exige qu'Almagis se soit tué et que Rosemonde ait été déchirée par le peuple lombard.

Bredin, tes lettres sont à présent trop rares ! J'ai des préoccupations de toutes sortes. Une de celles qui me tourmentent le plus, c'est la situation de mon cousin Sarcey de Sutières, né pour être bien plus riche que moi, ruiné par la Révolution et par sa confiance en de faux amis qui l'ont dépouillé de tout. Il avait une place à l'école Normale qu'il n'a pas pu conserver. Voilà dix mois que je lui cherche inutilement une occupation. Il voudrait diriger un établissement industriel, ou bien une exploitation rurale. Fils de Sarcey de Sutières, auteur du Cours complet d'agriculture que tu dois connaître, il a beaucoup de connaissances en ce genre, ainsi qu'en physique, en chimie et en médecine. Si tu pouvais lui trouver un emploi à Lyon, où l'on doit se souvenir de son père, propriétaire à Dardilly, collaborateur de l'abbé Rozier et mort au commencement de la Révolution, quel service tu nous rendrais ! Il accepterait la moindre chose dans la position où il se trouve.

Jamais les séances de l'Institut n'ont eu si fréquemment de si importants mémoires. Voilà les courants électriques qui produisent : d'une part, les actions chimiques ; de l'autre, la digestion et les contractions des muscles. Tout est ramené au même principe d'action dans la nature par des expériences et des observations dont c'est là une conséquence nécessaire. D'un autre côté, on détermine directement le rôle psychologique et locomoteur des diverses parties du système encéphalique et spinal ; une poule vit six mois après l'ablation complète des deux lobes du cerveaux, dans un état semblable à celui des somnambules naturels, etc.

Adieu, le plus chéri des amis, le seul qui pourrait me rendre la vie supportable si je la passais près de lui. A. Ampère

Please cite as “L643,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 29 March 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L643