Je ne sais comment m'excuser auprès de vous d'être resté si longtemps sans répondre à l'intéressante lettre que vous me fîtes le plaisir de m'écrire il y a quelques mois, sans vous remercier du précieux cadeau que vous m'avez fait en m'envoyant votre thèse sur les caustiques. Je suis d'autant plus coupable au sujet de cette thèse qu'ayant remis à M. Savary l'exemplaire que vous aviez bien voulu m'envoyer pour lui et dont il fut on ne peut plus reconnaissant, je lui promis de vous écrire sous peu de jours pour vous faire tous ses remerciements en même temps que les miens, et qu'il se trouve que je l'ai trompé sans le vouloir, et qu'il est bien persuadé que sa commission a été faite, tandis que vous devez accuser son silence. Il ne me pardonnerait pas une pareille sottise s'il savait que je l'ai faite, mais je ne lui en dirai rien. Je vous demande seulement de ne nous en vouloir, ni à lui, puisque ce n'est pas sa faute, ni à moi, parce que j'ai été si tourmenté que je n'ai pu écrire à personne, presque pas même à mon fils qui est à Rome depuis trois mois et à qui j'ai pu à grand'peine envoyer quelques lettres. Il se plaint de n'en point recevoir dans toutes celles qu'il m'écrit.
Je voulais vous répondre en détail ainsi qu'à M. Maurice envers qui je suis aussi coupable à peu près qu'envers vous, et adresser en même temps tous mes remerciements à la Société de Physique et d'Histoire naturelle de Genève, d'une marque de souvenir dont j'ai été aussi flatté qu'honoré 1. C'est tout cela à faire ensemble qui a encore contribué à ce que j'aie passé plus longtemps sans en rien faire. Quel service vous me rendriez, Monsieur et cher ami, si vous m'excusiez auprès de M. Maurice, celui qui est membre associé de l'Académie des Sciences 2, et auprès de la Société de Physique et d'Histoire naturelle de ce que je ne leur ai pas encore écrit. A peine ai-je le temps, aux dépens de ce que ce devoir me prescrit à l'égard de l'école Polytechnique, d'écrire ce peu de lignes pour vous.
J'attends avec une vive impatience un envoi de votre part que m'a annoncé M. de La Planche qui part demain pour retourner à Genève. Quel plus grand bonheur ce serait encore pour moi si vous exécutiez cette année le projet que vous aviez l'année dernière de venir à Paris au mois de mai, occuper la chambre qui vous attend chez moi ! Ce serait le temps le plus heureux de ma vie que celui où je pourrais vous y voir. Que de choses à vous dire !... J'ai lu le mois de décembre dernier un mémoire à l'Institut qui termine tout. Mais je ne sais comment l'imprimer, et je n'ai pas le temps de m'en occuper. Que j'aurais de plaisir à vous le communiquer !
Je n'ai pas besoin de vous dire tout ce que je vous prie d'offrir de ma part à Monsieur votre père et Madame votre mère, de témoignages de respect, d'amitié et de reconnaissance. Je n'oublierai jamais avec quelle extrême bonté ils m'ont accueilli lors de ce séjour à Genève dont je regretterai toujours les moments si rapidement écoulés. je vous prie aussi de ne m'oublier auprès d'aucun de nos excellents amis, MM. Maurice, Pictet, Prevost, de Candolle, Diodati et tant d'autres dont le souvenir m'est si précieux. Je suis, avec la plus tendre amitié et le plus entier dévouement, Monsieur et cher ami, votre très humble et très obéissant serviteur. A. Ampère
Please cite as “L656,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 17 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L656