To Michael Faraday   27 avril 1824

27 avril 1824

Monsieur, J'ai beaucoup d'excuses à vous demander de n'avoir pas répondu tout de suite à la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire et qui m'a été remise par M. Symes. Je n'ai qu'un moment parce que je n'ai jamais été si surchargé d'occupations indispensables. J'ai donné de vive voix à M. Underwood, qui vous remettra cette lettre, tous les renseignements que vous désirez sur l'envoi de mémoires conservés dans la bibliothèque avec le plus grand soin et reconnaissance de l'envoi qu'en aurait fait un savant aussi distingué. Quant à ceux qui seraient encore manuscrits, il n'y a pas de doute que l'Académie n'en ordonnât, après le rapport d'une Commission, l'impression dans le recueil des mémoires présentés par des savants étrangers. Mais ce recueil est tellement arriéré que ce moyen de publication est très lent. Je profiterai de cette occasion pour vous prier de me donner des renseignements sur deux points. Le premier est relatif à mon recueil d'observations électrodynamiques *, dont j'avais eu l'honneur de vous adresser, ainsi qu'à M. H. Davy et à quelques autres de vos savants compatriotes, des exemplaires encore incomplets, parce que l'impression n'en était pas achevée à l'époque où je les envoyais. Depuis, quand M. Pouillet fit un voyage à Londres, il se chargea de remettre des feuilles d'impression et deux planches complétant l'ouvrage, aux personnes qui avaient déjà reçu le reste. A son retour, il me dit que, n'ayant pu les voir, il avait laissé ces compléments chez vous, avec une lettre où il vous priait de vous en servir pour compléter votre exemplaire, celui de Sir H. Davy et un ou deux autres. Pourriez-vous me rendre le service de me faire savoir s'il vous a, en effet, remis cela, et si les exemplaires en question se trouvent ainsi complets et semblables en tout à celui que je viens de remettre à M. Underwood pour qu'il en fasse hommage de ma part à la Société royale de Londres et qu'il pourra vous montrer pour le comparer au vôtre ? Si ce dernier n'est pas aussi complet, faites-moi le plaisir de m'écrire les numéros des pages ou des planches qui vous manqueraient, et je vous les enverrai de suite. L'autre chose que je voudrais que vous m'écrivissiez, c'est s'il existe à Londres des appareils pour les expériences où l'on fait agir des portions de conducteurs voltaïques les unes sur les autres, sans employer aucun aimant, et aussi pour observer l'action exercée par le globe terrestre sur les portions mobiles. Tel est l'appareil décrit dans le Manuel d'électricité dynamique publié l'année dernière par M. [Demonferrand] *, et qui est sans doute bien connu à Londres. Je vous prie de m'écrire ce qui en est à cet égard parce que je suis convaincu que, si l'on faisait habituellement ces sortes d'expériences qui constatent les propriétés dynamiques de la pile de Volta, on verrait bientôt que, s'il y a quelque chose de démontré en physique, c'est que l'action de deux éléments de courants électriques, c'est-à-dire de fils conducteurs, est le fait primitif dont dépendent tous les autres phénomènes de ce genre. L'action entre un élément de courant et le pôle d'un aimant, ayant lieu entre deux choses hétérogènes, ne peut être considérée comme le fait simple qui doit être nécessairement pris dans l'action mutuelle de deux êtres de même nature, deux éléments de courant ou deux pôles d'aimant. Cette dernière ne peut être le fait primitif, puisque, bien connue comme elle l'est, en raison inverse du carré de la distance, on ne peut en tirer les deux autres. Au contraire, de la valeur que j'ai assignée, par ma formule, à l'action de deux éléments de courants électriques, on déduit, en considérant cette action comme le fait primitif, la loi de l'action du courant sur un aimant, et celle de deux aimants, comme les donne l'expérience. Cette déduction est un résultat rigoureux du calcul, tiré de ma formule par M. Savary. Si l'on n'était pas accoutumé à prendre l'action de deux aimants pour le fait primitif, seulement parce qu'elle a été la première observée, tous les physiciens ne seraient-ils pas d'accord, comme ils le seront certainement dans quelques années, que l'on doit chercher ce fait dans l'action mutuelle de deux fils conducteurs ? Votre très humble et très obéissant serviteur A. Ampère, rue des Fossés-Saint-Victor, n° 19, à Paris.

Please cite as “L660,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 28 March 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L660