To Michael Faraday   1825

[Début de 1825]

Monsieur et très honorable ami, C'est avec un véritable chagrin que j'ai différé aussi longtemps de répondre à l'aimable lettre que M. Underwood m'a remise de votre part. Je désirais avoir quelque nouvelle recherche de physique qui pût vous intéresser à vous communiquer ; mais j'ai été tellement accablé d'occupations indispensables que je n'ai point pu faire les expériences que j'avais projetées et qu'à peine trouvai-je enfin un moment pour vous écrire dans la seule vue de m'excuser d'avoir été si longtemps sans le faire. Je n'ai donc aucune observation nouvelle ; mais, comme je viens, dans le cours de physique dont je suis chargé, d'avoir l'occasion de répéter toutes les expériences relatives à l'électricité dynamique, j'ai eu le plaisir de voir les différents mouvements produits dans des conducteurs voltaïques, soit par d'autres conducteurs, soit par l'action de la terre, s'exécuter avec beaucoup d'énergie et une grande rapidité : entre autres celle par laquelle j'avais vérifié, en 1822, cette conséquence de ma formule que les diverses parties d'un même courant rectiligne se repoussent mutuellement. Je ne sais si cette expérience, qui me paraît une des plus importantes et en quelque sorte le fait fondamental de l'électricité dynamique, a été répétée en Angleterre. Vous vous ressouvenez sans doute, Monsieur, que je la fis la première fois à Genève et que M. Auguste de La Rive dont je reçus à cette époque ainsi que du célèbre professeur de La Rive, son père, tant de marques d'une véritable amitié, m'aida dans cette expérience capitale. C'est ce jeune, mais déjà grand physicien et auteur de plusieurs découvertes très remarquables dont on s'est sûrement beaucoup occupé en Angleterre, qui vous remettra cette lettre. Le peu de jours qu'il a passés à Paris ne m'a pas permis de m'occuper avec lui de quelques nouvelles recherches ; mais je connais peu de jeunes savants dont il y ait autant à attendre pour les progrès futurs de la physique. Ses derniers travaux sur les courants électriques m'ont singulièrement frappé par l'analogie qu'ils semblent établir entre les propriétés de l'électricité en mouvement et celles de la lumière. Je pense que tout ce qui s'est fait en physique depuis le travail du Dr Young sur la lumière et la découverte de M. Œrsted, prépare une ère nouvelle à cette science et que les explications déduites des effets produits par le mouvement des fluides impondérables remplaceront successivement celles qui sont adoptées aujourd'hui et qui ont pour objet moins de faire connaître la véritable cause des phénomènes que de donner les moyens les plus courts pour les calculer. Je crois que l'on doit chercher dans les mouvements des fluides répandus dans l'espace l'explication des faits généraux et que c'est aux formules déduites de l'expérience à en faire connaître les détails, et à donner le moyen de les calculer (2). Je vous prie, Monsieur, d'agréer l'assurance de ma haute considération et de la sincère amitié que j'ai vouée à l'auteur de vos importantes découvertes. Votre très humble et très obéissant serviteur. A. Ampère.

à Londres

Please cite as “L680,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 26 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L680