To Adolphe Quételet   mars 1826

j'ai mille remerciements à vous faire de l'envoi que vous avez la bonté de me faire de votre excellent ouvrage périodique * sur les mathématiques et la physique. Je me reproche beaucoup de n'avoir pu, faute de temps, répondre à vos aimables lettres et d'être obligé de vous écrire d'abord pour ne vous les présenter que joints à quelques plaintes ; mais je m'y vois forcé par une circonstance dont je ne puis vous dissimuler tout le chagrin qu'elle m'a causé. Il s'agit des assurances réitérées que vous m'avez données de faire paraître dans votre journal l'extrait d'un Mémoire que je vous ai adressé, sur votre demande, il y a environ trois mois, pour qu'il parut le plus tôt possible. Lors du dernier numéro que je reçus, je ne doutais pas de l'y trouver, mais mon attente a été trompée. Cependant, vous comprenez bien que ce que désire surtout un auteur qui obtient des résultats nouveaux sur un sujet dont d'autres personnes peuvent s'occuper, c'est de voir ces résultats publiés à temps pour qu'il ne risque pas de perdre la priorité, et que, si je n'avais pas compté sur ce que vous m'aviez promis, cet extrait serait déjà publié dans quelque autre journal scientifique. J'avais voulu en réserver au vôtre la première publication et je m'en trouve puni.

Pardonnez-moi, Monsieur et cher ami, de vous parler avec cette franchise, je crois la devoir à l'amitié dont vous m'avez donné des preuves dont je conserve le souvenir avec reconnaissance. Je vous prie d'être bien convaincu que le moment de chagrin que j'ai éprouvé en recevant le cahier de la correspondance mathématique et physique, où j'espérais trouver mon extrait, ne saurait rien changer aux sentiments de ma sincère amitié et de ma haute considération, je vous prie d'en agréer l'expression. A. Ampère