To Michael Faraday   12 juin 1826

Paris 12 juin 1826
Monsieur et cher ami,

J'ai bien des excuses à vous faire de ne vous avoir pas écrit plus tôt, tant pour me rappeler à votre souvenir que pour vous remercier de ceux de vos ouvrages que vous avez eu la bonté de m'envoyer. Ils m'ont fait un double plaisir en me faisant connaître les résultats si intéressants de vos derniers travaux, et en me montrant que vous me conservez une amitié qui est à la fois si précieuse et si honorable pour moi.

Je voulais vous écrire lorsque M. Underwood vous a porté ce que j'ai publié dernièrement ; mais des occupations que je ne pouvais remettre ne me le permirent pas avant son départ. En m'en dédommageant aujourd'hui, je voudrais insérer dans cette lettre l'indication de divers résultats auxquels je suis parvenu depuis ; mais cela exigerait des détails dans lesquels je ne puis entrer à présent. Ils ont en partie pour objet des difficultés qui m'ont été proposées par un savant italien, non sur ma théorie, mais sur des conséquences que j'en avais déduites et qu'il ne croyait pas fondées 1.

Cela venait d'abord de ce qu'il ne mettait pas à ces conséquences les restrictions que j'y avais mises moi-même, et ensuite de ce qu'il se figurait, sur des raisonnements spécieux mais dénués de fondement, qu'on pouvait obtenir, par l'action du fil conducteur et d'un aimant, un mouvement continu indéfiniment, malgré les résistances produites par le frottement, dans des cas où l'expérience et le calcul s'accordent pour démontrer que ce mouvement est absolument impossible.

Au reste, les calculs par lesquels j'ai démontré cette impossibilité peuvent être déduits, non seulement de ma formule, mais encore en partant seulement de cette loi de M. Biot qui en est une conséquence et que M. Pouillet a vérifiée de la manière la plus complète par des expériences qui ne peuvent laisser aucun doute sur son exactitude. Quant à l'expérience, il suffit d'essayer celle que propose le savant dont je parle pour s'assurer que l'effet qu'il annonce n'a pas lieu.

Les difficultés qu'il a bien voulu me communiquer m'ont été néanmoins fort utiles en me faisant faire un travail qui a éclairci tout ce qui pouvait rester d'obscur sur ce sujet, et m'a fourni de nouvelles preuves expérimentales de l'exactitude de mes formules et de la vérité des principes sur lesquels elles sont fondées.

Je vous prie d'agréer l'hommage de ma profonde estime pour vous-même et de la haute considération que vos découvertes dans les sciences inspirent à tous ceux qui peuvent les apprécier.

J'ai l'honneur d'être, Monsieur et très cher ami, votre très humble et très obéissant serviteur. A. Ampère

(2) Il s'agit de M. Gherardi, auquel Ampère a répondu dans un mémoire présenté à l'Académie le 16 août 1825.

Please cite as “L696,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 16 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L696