To Claude-Julien Bredin   15 septembre 1826

[Vers le 15 septembre 1826]

Cher ami, tu dois me reprocher mon silence. Mais tu sais bien que toute mon âme est auprès de toi. Le départ de mon fils avec les de Jussieu a achevé de m'accabler. Les circonstances qui ont amené ce voyage me déchirent 1 ; mais comment t'expliquer cela dans une lettre ? Il doit être à Mende à présent ; de là à Grenoble, par Valence. J'étouffe de chagrin : mais je me porte bien, ainsi que ma famille. Puisse-t-il en être de même de la tienne ! Je suis seul et abandonné sur la colline des orages a (du moins Malvina mourut bientôt).

Si j'étais moins triste, combien j'aurais été content d'une nouvelle expérience qui vient de me réussir et qui achève de prouver l'identité de l'électricité et des aimants. Tu l'as pu voir dans le Globe du 7 septembre. Tous les jeudis se trouve dans cette feuille ce qui s'est passé à l'Académie des Sciences. Trois semaines avant, il y avait une notice sur le beau mémoire de notre excellent Savary ; huit jours après, sur les expériences de Colladon et de Becquerel.

Jamais la physique n'a mieux marché ; mais cela me console-t-il de l'absence de mon fils, du brisement de tout ce que j'avais rêvé d'heureux pour lui ? Confidences qui doivent rester entre toi et moi ! Si tu m'aimes comme autrefois, réponds à ton pauvre ami ! Oh, que je voudrais aller te voir ! Mais tout ce que je possède tient à ce que je mette chacune de mes minutes à profit pour t'écrire ce qui m'ennuie le plus au monde.

Mes respectueux hommages à Mme Bredin. Tu sais combien tendrement je t'embrasse.

(2) Il s'agit du projet de mariage de Jean-Jacques avec Mlle Clémentine Cuvier.

Please cite as “L701,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 28 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L701