To Jean-Jacques Ampère (fils d'Ampère)   10 juillet 1827

[Vers le 10 juillet 1827]

Je vois bien, mon cher fils, par ta dernière lettre de Berlin du 27 juin, qu'elle s'est croisée avec celle où je te répondais au sujet de la commission de M. le Comte W. de Humboldt pour l'abbé Roux. J'espère que cette dernière te sera parvenue à Berlin assez à temps pour lui en communiquer ce qui se rapporte à la grammaire et au dictionnaire de la langue algonquine.

J'ai vu ce matin deux personnes qui ont longtemps été en Suède. L'un est un ancien élève de l'école Polytechnique, Olivier 1, que tu as vu chez moi l'année passée. Il est très lié avec M. de Studagk, Allemand de naissance, mais fixé depuis longtemps à Stockholm, où il est aumônier de la Princesse royale. M. de Studagk a fait une traduction allemande d'un assez grand nombre de poésies scandinaves, en rendant chaque sorte de mètre dans des vers allemands du même mètre. Voici une lettre qu'Olivier lui a écrite pour toi, afin que tu la lui remettes et qu'il ait l'occasion de te montrer tout ce qu'il a en ouvrages scandinaves, la plupart inédits. Soit qu'il te donne, ou que tu te procures autrement, sa traduction allemande de ceux qu'il a fait connaître, je te prie de me rendre un grand service, c'est d'acheter pour moi deux exemplaires de cet ouvrage dont je te remettrai le prix à ton retour. Voici pourquoi je tiens beaucoup à cela. Je me suis chargé dans le temps d'en faire passer un exemplaire apporté deSuède par M. Izarn à un ami de Bredin qui demeure à Lyon et s'appelle Lortet. J'ai égaré cet exemplaire sans avoir pu jamais le retrouver ni comprendre ce qu'il est devenu. Personne n'en sait encore rien ; mais cela ne peut manquer de se découvrir, à moins que tu ne me fasses le plaisir que je te demande. J'enverrai un des deux exemplaires à M. Lortet, comme si c'était celui de M. Isarn. L'autre, je le donnerai à Bredin qui aime tant ces sortes de choses. M. Izarn est ici. C'est l'autre voyageur en Suède que j'ai vu ce matin. Il voulait écrire aussi une lettre de recommandation pour toi à deux Suédois qui ont étudié les antiquités littéraires scandinaves.

Je colle ici 2 le papier où il a écrit leur nom pour que je te les envoie parce qu'ayant du monde chez lui, il n'a pu faire la lettre que je t'aurais envoyée comme celle d'Olivier. Il m'a dit qu'il leur écrirait incessamment pour leur parler de toi, mais qu'en attendant il te priait de les aller voir de sa part, que c'était la même chose que si tu leur remettais une lettre de lui. D'ailleurs, celle qu'il leur écrira directement arrivera à peu près en même temps.

Je n'ai toujours que de bonnes nouvelles à te donner des santés [de] tous ceux que tu connais, excepté le pauvre Fresnel qu'on n'espère [plus] guère de tirer d'affaire. Il est à la campagne, à Ville-d'Avray, avec sa pauvre mère.

La connaissance de M. de Studagk que te procurera la lettre d'Olivier est d'autant meilleure que c'est un ecclésiastique bavarois avec qui tu causeras en allemand dans sa langue maternelle et qui t'indiquera toutes les sources sur la littérature scandinave qui a été l'objet de ses études.

Adieu, cher et bien bon ami, toutes les fois que je vois élisa, elle se plaint de ton silence. Elle, sa mère, ma sœur, Albine et ma cousine m'ont dit tant de choses pour toi que je n'en finirais pas si je voulais tout t'écrire. Adrien 3, revenu hier de Nanteuil, y a laissé tout le monde bien portant. Je l'ai engagé à dîner avec moi mercredi. Il t'aime bien. Je ne comprends pas pourquoi il semble qu'il n'est plus question du mariage arrangé pour lui. Je t'aime de toute mon âme, et t'embrasse. A. Ampère

A Monsieur J.-J. Ampère, poste restante à Stockholm (Suède)
(2) Il s'agit de Théodore Olivier, un des fondateurs de l'École centrale de Paris, où il professait les Mathématiques.
(3) La lettre d'Ampère porte, en effet, des traces manifestes de ce collage, mais le billet n'est plus adhérent.
(4) Adrien de Jussieu. Nanteuil était la propriété des Jussieu. Fresnel est mort le 14 juillet 1827.

Please cite as “L707,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 24 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L707