To Jean-Jacques Ampère (fils d'Ampère)   19 octobre 1830

[365] Mardi 19 8bre [octobre] [1830]

Cher ami, si j'avais eu le temps, je t'aurais expliqué, dans les lettres d'hier et d'avant-hier, la manière dont les billets doivent être faits, pour que ce soit moi qui doive directement au prêteur ; que M. Beuchot-la-Varenne réponde de moi vis-à-vis de ce prêteur qui, ne me connaissant pas, ne peut prêter que sur la garantie de M. Beuchot ; enfin que ce dernier ait recours sur la maison en cas que je vinsse à mourir avant le mois de septembre prochain et que le prêteur prit M. Beuchot à partie pour le faire payer à ma place.

Pour cela, les billets seront faits comme si M. Beuchot t'avait d'abord prêté, que j'eusse ensuite emprunté pour le rembourser ; il me passera l'ordre de ces billets comme si je les lui avais payés et je le passerai au prêteur comme m'ayant fourni de l'argent pour cela.

[366]En conséquence, le prêteur n'a d'abord action que contre moi ; mais, si je meurs insolvable ou m'enfuis, il a action contre M. Beuchot pour lui faire rendre l'argent que je suis censé lui avoir remis quand il m'a passé l'ordre. Beuchot, dans ce cas, est obligé de payer et il a recours sur la maison, tant à l'égard de ton hypothèque que de la moitié du surplus de sa valeur dont tu deviens propriétaire par héritage.

Quant tout aura été fait et que j'aurai reçu l'argent, celui qui le prête aura dans les mains des billets dont il sera le porteur, dont M. Beuchot sera l'endosseur et dont tu seras le tireur ; le porteur d'un billet doit être payé par le dernier endosseur qui est moi. Si je manque, il s'adresse à l'endosseur précédent, M. Beuchot et ce n'est qu'en remontant ainsi d'endosseur en endosseur, qu'on[367] arrive à la dernière garantie, celle du tireur, J.-J. Ampère.

Cette petite explication, bien aisée à comprendre, te met au fait d'une chose bonne à savoir en général pour les affaires que tu pourrais avoir par la suite.

Il vient d'arriver une lettre de Ride et de ma sœur qui sont enchantés. Il arrive ce soir et prendra l'engagement demandé de me laisser toujours Albine. Finis tranquillement ton ouvrage à Vanteuil ; puis viens me voir le plus tôt possible pour qu'on te montre le dernier tableau, encore augmenté d'un nouvel embranchement, résultant de la division en trois sciences du premier ordre, la géographie politique, l'histoire et la biologie, confondues auparavant sous le nom d'ethnologie, en une seule science du premier ordre qui n'était que rudis indigestaque moles, tandis qu'à présent c'est un charme comme tout va bien. Le nouvel embranchement est celui des sciences historiques qui ne contient plus que cela. Si tu n'avais pas mis encore[368] les billets signés à la poste, ne perds pas un moment pour cela ; car c'est après-demain que je dois les porter à Beuchot pour qu'il m'en passe l'ordre et que je touche l'argent en passant mon ordre à celui qui doit le fournir. Tu as encore le temps au reçu de cette lettre pour que je les aie ce jour-là.

Adieu, cher ami, je n'ai pu voir M. Guignault. Les ministres ont beaucoup de choses à penser avant l'école Normale. Quoiqu'il y ait sujet de s'inquiéter, j'espère que tout tournera avec plus de peur que de mal. Ton papa t'embrasse mille et mille fois. A. Ampère

Monsieur Ampère fils chez M. de Jussieu, membre de l'Académie des Sciences, etc., à Vanteuil, par la Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne)

Please cite as “L757,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 19 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L757