To Jean-Jacques Ampère (fils d'Ampère)   22 octobre 1830

[369] Vendredi 22 8bre [octobre] 1830

Cher ami, j'ai reçu ce matin tes deux lettres et les billets dont je te remercie mille fois. C'était précisément aujourd'hui que j'avais rendez-vous avec M. Beuchot ; je les lui ai portés ; nous avons tout arrangé et j'ai l'argent pour payer le billet de M. Guérin de Foncin le jour de l'échéance.

Voilà une chose arrangée. Reste, parmi les vraiment importantes, celle de ta nomination à l'école Normale. Le ministre reçoit les jeudis soirs. Ne pouvant rejoindre M. Guignault, j'ai été hier chez M. de Broglie ; je lui ai parlé de ta nomination et il m'a répondu on ne peut mieux. D'ailleurs l'élection de la nouvelle chaire de la Faculté et la nomination de M. Fauriel sont du meilleur augure ; il faut bien un maître de conférences quand il y a un professeur.

Albine va demain à la Ferté pour faire les paquets et arranger les meubles qui reviennent ici. Gabriel reste avec moi. Albine te prie de l'aller voir[370] lundi à la Ferté. Elle désire tant de te voir et de pouvoir causer avec toi que tu ne nous refuseras[pas] de faire cette petite course. Elle reviendra ici mercredi prochain. Je désire que tu la voies lundi parce qu'elle pourra le mardi aller voir un moment les dames de Jussieu : ce qui me paraît devoir être ainsi. Tu en décideras avec elle lundi. La conversation hier avec Beuchot m'a fait découvrir une autre dette de 3000 francs que je ne connaissais pas. C'est un emprunt de cette somme que j'ai fait en 1827 à la même demoiselle Levé qui a prêté depuis, pendant que tu vins à Paris en août 1828, moi restant à Lyon. Le terme est éloigné et je sais bien qu'en m'arrangeant enfin à l'économie, je parviendrai à tout payer, et c'est pourquoi je t'attends pour voir le système économique à adopter. Il ne faut pas perdre [de vue] que, tant que Ride demeure avec nous, je gagne pour sa seule nourriture et celle d'Albine, 2000 francs par année que je serais obligé de lui payer sans cela.

Oh, si je pouvais devenir conseiller de l'Université ! Cela a tenu à si peu de chose autrefois ; il est vrai qu'alors je n'aurais pas eu la leçon pour toute[371] ma vie que je reçois à présent. Je me suis assuré que ma sœur est engagée avant toi dans l'emprunt fait à M. Constantin. Ainsi, pour celui-là, il ne peut jamais t'inquiéter, car ma sœur est à présent la plus riche de nous tous.

Mille choses à la maison de Jussieu. Je t'embrasse de toute mon âme mais bien tristement. Cependant c'est une grande consolation que d'être sûr d'acquitter en dix mois les billets d'hier et d'avoir quelques années devant moi pour le reste.

Je viens de lire ton article sur Mérimée dans le National de ce matin. Ride l'avait lu d'abord ; c'est lui qui, dans son admiration pour cet article, m'a montré qu'il était signé : J.-J. A. Excellent fils, tout à toi. A. Ampère

[372]Monsieur Ampère chez M. de Jussieu, à Vanteuil, près la Ferté-sous-Jouarre

Please cite as “L759,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 16 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L759