Mon cher fils, me voilà à Bourg sain et sauf. Nous n'avons pas trouvé Alexis qui était au conseil ; il est venu inutilement deux fois à notre hôtel pendant que nous faisions des examens au collège. Nous allons retourner à la préfecture, mais j'ai voulu t'écrire auparavant ; car il y a une chose qui te va faire de la peine plus pour moi que pour toi ; mais comment faire autrement ?
J'ai porté à Albine, que j'ai trouvée mal portante et dans une tristesse augmentée par le séjour de Courtemot qui m'a pénétré, une lettre de Mme Vouty qui lui annonce que Mme Potot est malade. Là-dessus on a tenu conseil, Albine, Ride et moi. Il était clair qu'Albine fût à Paris et donnât du moins cette marque d'intérêt à sa[377] grand'mère. Ride ne comprenait la chose qu'en y accompagnant sa femme. Il me demandait comme une faveur de lui permettre de loger chez moi avec sa femme pendant ce voyage en mon absence. Albine ne pensait dans son âme qu'à l'ennui que cela te ferait et voulait qu'ils allassent à Paris dans un petit appartement loué pour trois mois. J'avoue que, sachant à quel point ils sont malheureux et n'ayant rien que des dettes exigibles par prise de corps, j'ai préféré donner l'autorisation que Ride demandait. Je tremble d'ailleurs que l'état d'Albine n'indique une maladie d'estomac qui serait une chose affreuse. Je lui ai fait promettre de consulter M. Serres dès qu'elle serait à Paris 1.
Pardon, cher ami, toi à qui je dois tant, qui m'as seul consolé ! Mais j'ai eu pitié de ta sœur que les continuelles asticoteries de sa belle-mère achèvent d'accabler. La mobilité des idées de Ride ne me laisse pas douter qu'il ne restera pas longtemps à Paris. Peut-être as-tu exécuté ton idée d'aller à la campagne ; alors le parti que j'ai pris n'aurait plus d'inconvénient. Mais, je t'en prie, une dernière preuve de l'amitié que tu portes à ton malheureux père ! écris-moi tout de suite à Lyon, à M. Bredin, directeur de l'école vétérinaire, pour remettre s.l.p. à M. Ampère.
Je ne respirerai que quand j'aurai cette[378] lettre. Je t'embrasse le cœur navré. Ton tendre, mais bien malheureux père. A. Ampère
Please cite as “L765,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 28 March 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L765