To Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   23 février 1802

[1488] Du mardi soir [23 février 1802]

Obligé, ma bonne amie, de remettre aujourd'hui ma lettre à Pochon, je l'avais cachetée quand j'ai appris la fuite de M. Martin de chez son père, dont il a fait part lui-même à M. André chez qui je couche. Ne sachant pas comment il pouvait faire parvenir une lettre au père Martin, M. André m'a fait part de son embarras, et je me suis déterminé à t'écrire par la poste et à t'envoyer sa lettre, que tu me feras le plaisir de faire porter le plus tôt possible par quelqu'un de sûr chez M. Martin. La poste ne la lui rendrait pas assez tôt.

Je vais continuer le journal dont tu as déjà lu le[1489] commencement et dont Pochon te remettra le milieu. Rendu ce matin à huit heures à l'école centrale, j'ai vu arriver successivement les membres du jury et ceux du bureau. J'ai été ensuite définitivement installé. On a fait la moitié de l'inventaire des machines. On a fini cette après-dînée et j'ai la clef du cabinet dans ma poche. Tous mes moments vont désormais être consacrés à l'arrangement des machines, jusqu'à ce que je puisse commencer mon cours. Mais j'aurai près de moi, pendant cet ennuyeux travail, la douce image de ma Julie et la charmante idée qu'elle pense quelquefois[1490] à son mari.

L'inventaire fait, j'ai été voir M. Riboud, et puis le maire que je n'avais point encore vu, homme entier dans ses idées, ex-noble et militaire, qui a fait chasser les femmes de l'école et ne veut point de bien à tout établissement qui sent la Révolution. Heureusement qu'il est assez bien \pas mal/ disposé à mon égard.

Revenu chez M. André, où j'ai appris la nouvelle qu[i] concerne M. Martin, je me suis mis à t'y écrire cette lettre que tu recevras, j'espère, avant celle d'hier.

Dis bien des choses de ma part à tous ceux qui t' entourent .[1491] Personne ne m'en voudra de ne pas lui écrire aujourd'hui, puisque la présence de M. André et la politesse me permettent à peine de te brocher cette si petite lettre. Je compte coucher demain à l'école centrale, où tout mon temps sera à moi. Adieu, ma chère et bonne amie, tu sais par cœur tout ce que je voudrais avoir le temps de t'écrire. Adieu. A. AMPÈRE

A Madame Ampère-Carron, Maison Rosset, n° 18, grande rue Mercière, à Lyon.

Please cite as “L77,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 20 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L77