To François Moigno (Abbé)   1832

[1832]
Mon cher ami,

Nous avons souvent causé du projet que j'avais formé depuis longtemps de classer les diverses sciences dont se compose l'ensemble de nos connaissances d'après leurs rapports mutuels, comme le naturaliste classe aujourd'hui les corps, soit inorganiques, soit organiques, d'après les nombreux rapports que la nature elle-même a établis entre eux. Tant qu'on n'a employé en histoire naturelle, pour classer les corps, qu'un petit nombre de caractères que l'auteur de chaque classification choisissait d'après des vues qui lui étaient particulières, ces différentes manières d'arranger les corps pouvaient être utiles pour les reconnaître, mais ne nous apprenaient rien sur leur nature et sur l'ensemble de leurs propriétés, non plus que sur les lois générales qui sont comme les conditions de leur existence.

Mais, depuis que ces classifications, si justement nommées artificielles, ont fait place à des méthodes fondées, du moins pour les corps organisés, sur l'ensemble des caractères qui les distinguent, la subordination et les dépendances mutuelles de ces caractères, il a fallu, pour les classer, et même pour comprendre la manière dont ils l'avaient été par les grands hommes, créateurs de ces méthodes, les considérer sous tous les rapports, en pénétrer la nature intime, établir les lois générales de l'organisation, entrevues seulement jusqu'alors, en sorte qu'on peut dire que ce n'est que depuis cette époque qu'on en a une véritable et profonde connaissance et qu'on ne peut plus aujourd'hui en étudier les classifications sans acquérir cette connaissance pour ainsi dire à son insu [illeg]

Please cite as “L774,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 28 March 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L774