To Jean-Jacques Ampère (fils d'Ampère)   31 mai 1832

[383] Marseille 31 mai 1832

Cher ami, tu m'as fait promettre de t'écrire le plus souvent que je pourrais. L'événement du vol de la caisse du Collège royal, dont on a retrouvé 55 000 francs sur 77 000 francs, nous a fait venir ici avant d'aller à Nîmes, où nous irons dans huit ou dix jours. J'ai fait écrire au proviseur de Nîmes de m'envoyer ici les lettres qu'il pourrait avoir reçues et de garder [les suivantes] pour me les remettre à mon passage à son Collège royal. Je n'en ai point reçu ; je ne sais si tu m'y as écrit. Tu pourrais encore le faire quand tu recevras celle-ci. Mais il faudrait que ce fût tout de suite... Après, ce sera à Tournon et ensuite à Grenoble ; car je suis bien tourmenté de n'avoir point de nouvelles de toi ni de ta sœur, ni de la convalescence d'Elisa depuis Lyon où j'ai reçu ta lettre, la seule jusqu'à présent, et une d'Albine. Tu peux m'écrire jusqu'au 10 juin à Tournon, jusqu'au 18 à Grenoble.

[384] M. Cauvière est ici, je me suis mis en route ce matin pour l'aller voir ; mais j'ai appris en chemin qu'il était à l'enterrement de son beau-père qui est mort hier. J'irai le voir dès que je pourrai, ainsi que M. Regnard à qui on a donné hier un banquet patriotique. La rue Beauveau où je loge était illuminée en son honneur ; le bruit des boîtes [d'artifice] assourdissait.

Comme j'attends avec impatience ton discours d'ouverture ! Mais, s'il n'arrive pas ici avant le 4 juin, je ne puis plus espérer de l'avoir que chez M. Périsse à Lyon. En y passant, j'ai dîné avec toute la famille à Bellerive. Un autre jour, déjeuné chez Mme Empaire avec Pignot. Il est venu deux ou trois fois jouer aux échecs à l'hôtel de Milan. Je suis descendu de Lyon à Avignon par le bateau à vapeur. Depuis l'épouvantable perte de[385] M. Cuvier, ne voilà-t-il pas que les sciences viennent de perdre M. Serullas du choléra ! Juge comme cela doit m'inquiéter quand je suis depuis longtemps privé de nouvelles de mes enfants ?

Du 1er juin, le soir je n'ai pu finir ma lettre hier matin et j'en suis bien aise parce que je viens d'en recevoir une de toi au collège où elle a été renvoyée de Nîmes. Quel plaisir tu me fais ! Je sais enfin que toutes vos santés sont bonnes. Mais comment ne me dis-tu pas un mot d'Elisa ? Est-elle tout à fait remise ? N'y a-t-il plus rien à craindre de ces terribles rechutes si communes aux cholériques ? Je viens de voir M. Cauvière, il m'a paru comme à l'ordinaire. Je lui ai dit que je prenais bien part à son chagrin qui ne m'a pas paru violent ; du reste, très accueillant pour moi et toujours plein de regrets de ne pas trouver un autre J.-J. pour son Athénée, qui paraît languir.

Je vois assez par ta lettre qu'il n'y a rien à faire pour la[386] chose sur laquelle je t'avais écrit. Tu as vu qu'en y pensant, comme je te l'ai écrit depuis, je n'avais trouvé que le seul Augustin Périer qui eût pu être pour moi ; mais, malgré sa pairie, qu'aurait-il pu ? Tu vois à quel point on a étouffé ce que j'ai fait. Sans cela, est-ce que la voix publique, parmi ceux qui peuvent juger de l'électricité dynamique, etc., ne m'indiquerait [pas] ? Adieu, cher et excellent fils, ne m'oublie pas auprès de nos amis, de Mmes Récamier et Lenormant ! Vois, je te prie, ta sœur et m'en écris ! Ton mille fois tendre père. A. Ampère

Monsieur J-J Ampère, maître de conférence à l'école normale rue du Bac, n° 100 bis, à Paris

Please cite as “L780,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 24 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L780