To Jean-Jacques Ampère (fils d'Ampère)   26 mai 1833

[413] Limoges Dimanche 26 mai 1833

Mon cher fils, ta lettre m'a fait bien plaisir. Comme l'idée qui m'occupe sans cesse est l'affaire du Collège de France, j'ai besoin que tu me dises le plus souvent que tu pourras tout ce qui peut, d'un moment à l'autre, te donner quelques nouvelles espérances, quelques nouvelles craintes. J'ai envoyé à ta sœur mon itinéraire très détaillé ; elle doit te l'avoir communiqué pour que tu saches, chaque jour, où tu dois m'écrire. Il résulte malheureusement de cet itinéraire, fait en mettant, dans chaque lieu, le plus petit nombre de jours possible, que je ne puis pas espérer d'être à Paris avant le 15 du mois d'août ; ce qui vient de ce que, pour la première fois, on prescrit aux inspecteurs généraux, de visiter sans exception, tous les chefs-lieux de département, et de s'entendre avec tous les préfets relativement à l'instruction primaire, pour laquelle il s'agit de faire voter les conseils généraux de départements et un certain nombre de conseils municipaux. C'est comme une malédiction. C'en est une autre[414] que le refus fait par la Chambre d'un congé à M. Dubois, refus qu'il a peut-être contribué à faire faire pour appuyer sa candidature, comme ne pouvant conserver sa place d'inspecteur. Combien j'ai souffert en lisant ce refus dans les journaux ! Et qu'il faille que ce soit la première fois aussi qu'il y ait deux séances la même année pour qu'il en tombe une à l'époque des tournées !

Tu sais que j'ai eu une longue conversation avec M. Lacroix où je lui ai dit dans le plus grand détail tout ce qu'il m'était possible de dire. Il s'en est tenu à ce qu'il examinerait impartialement les titres des candidats et se déciderait uniquement d'après cet examen, et pour le plus grand intérêt. Comme il n'a rien d'affectueux pour moi, il me semble évident qu'une lettre de moi ne pourrait servir de rien et lui donnerait plutôt de l'humeur. Mais Frédéric Cuvier est son ami intime et celui de M. Biot. Ce serait une chose importante que tu l'allasses voir ; il pourrait beaucoup s'il voulait t'appuyer de toutes ses forces. C'est bien dommage que nous ayons trop négligé Mme Cuvier et sa fille, qui auraient pu t'être[415] bien utiles dans cette circonstance, surtout auprès de M. Biot et des professeurs qui ont été particulièrement liés avec Cuvier. Il ne faut désespérer de rien, je suis persuadé que tu auras tous les justes milieux, même les carlistes ; mais, si M. Dubois ne fait pas sa tournée à cause de la Chambre, je crains bien que les autres soient pour lui. A la fin de juillet, je serai à Pau, près des Pyrénées, au commencement d'août à Bordeaux, où l'inspection durera nécessairement plus de huit jours ; et il faudra m'arrêter au moins deux jours à Angers, chef-lieu de département. Tout est désespérant.

Chevreul, qui te faisait tant d'avances dans le temps, pourrait peut-être travailler pour toi si tu l'allais voir ! Oh, que je serais heureux si tu pouvais réussir ! Je l'espère, mais je tremble ; ne néglige aucun moyen ; écris-moi à qui je pourrais écrire de ceux que je n'ai pas vus ! Revois Thénard et Letronne qui sont des plus influents. J'ai reçu la palme. Adieu, cher fils, ton papa t'embrasse de toute son âme. A. Ampère

Mille amitiés à Ballanche, Dugas, etc. Dugas, confrère à l'Académie des Inscriptions, de plusieurs professeurs du Collège, ne pourrait-il pas te servir auprès d'eux ?

Lundi - Je rouvre parce que j'ai trouvé un moyen que j'ai imaginé cette nuit, un moyen que je vais écrire ci-derrière : tourne la page ![416] Ce moyen n'est possible que si M. Guizot désire ta nomination et que tu obtiennes de lui, dans une audience particulière que tu lui demanderais, qu'il m'envoyât à Toulouse l'autorisation, après que j'aurais fait l'inspection de cette académie, de ne pas aller à Pau, que M. Matter inspecterait seul. Il y a là peu d'études scientifiques et, plusieurs fois, cette Académie a été visitée principalement pour les études littéraires. Alors, au lieu d'aller de Toulouse à Bordeaux par Pau, je m'y rendrais en passant par Paris vers le 15 juillet, jusqu'au 24 s'il fallait. Je serais à Bordeaux pour y faire l'inspection avec M. Malter en même temps que lui. Ce serait une petite économie pour l'Université, parce que je ne porterais en compte que les postes de la route directe de Toulouse à Bordeaux. Ne tente la chose que si tu la juges toi-même possible !

Monsieur J-J Ampère, maître de conférence à l'école normale rue de Grenelle-Saint-Germain, n° 52

Please cite as “L797,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 26 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L797