To Jean-Jacques Ampère (fils d'Ampère)   22 octobre 1834

[25] Vanteuil [Mercredi 22] octobre 1834

Samedi dernier j'ai reçu une charmante lettre de Mme de Jussieu qui nous engageait, Albine et moi, à venir ici le lendemain, et c'est ce que nous avons fait par la voiture qui part à 1 heure. M. Liébault nous a amenés dans la sienne de la Ferté ici, où nous avons eu le lundi un jour superbe ; j'ai fait une longue promenade avec Albine. Malheureusement, il a fait mauvais hier et, aujourd'hui, c'est encore pis. Je crois cependant que le beau temps va revenir, parce que je viens d'observer le vent au Nord. Mme de Gousseau, autrefois Mme Savary, est venue hier avec deux de ses filles qui sont encore des enfants. J'ai resté bien longtemps avec M. de Jussieu dans son cabinet : ce qui paraissait lui faire grand plaisir. Aujourd'hui je profite de ce qu'il est dans le salon avec cette dame et Albine pour t'écrire.

J'ai été la semaine passée à l'ouverture de l'école Normale. Avant la séance, Guignault me parla beaucoup de toi. Je me trouvais dans un grand embarras, parce que je ne pouvais pas comprendre, d'après ce qu'il me disait, où tu en étais précisément avec l'école Normale. Tu m'as écrit, pendant ma tournée, ta résolution de n'y plus faire de leçon, parce que tu avais été trop fatigué. Je ne t'ai fait aucune observation, quoique je regrettasse beaucoup l'influence que ces leçons te donnaient sur l'instruction publique et, par là même, sur la France entière ; par suite même, sur la civilisation du monde.[26] Mais j'aurais dû te demander où en sont les choses ; car, ne sachant pas ce qui a été fait, je me trouvais dans un embarras dont je ne sais comment j'aurais pu me tirer si l'instant de la séance ne fût arrivé avant que M. Guignault eût achevé l'éloge qu'il me faisait de toi, en sorte que je n'ai pas été dans le cas de répondre, si ce n'est à sa première question : Quand reviendra Monsieur votre fils ? Je lui ai dit que je t'attendais en novembre. Sa pensée serait-elle, si réellement tu ne dois plus faire de leçons à son école, d'envoyer ses élèves de troisième année ou de seconde à ton cours du Collège de France ? As-tu donné ta démission de maître de conférences ? As-tu été remplacé par un autre ? A quelle époque as-tu cessé de l'être ? L'es-tu encore de titre ? Ta place est-elle supprimée à l'avenir ? Voilà quelques questions auxquelles je te prie en grâce de me répondre [le] plus tôt possible que tu pourras, seulement pour que je sache les choses.

J'enverrai en Italie trois exemplaires aux personnes dont tu me parles dès que je serai de retour à Paris ; ils pourront partir lundi prochain. J'ai fait ce que j'ai pu pour avoir des articles d'annonces. J'espère qu'il en paraîtra bientôt plusieurs ; mais aucun n'a encore paru. Sainte-Beuve est allé demeurer quelque temps à la campagne ; cela me contrarie beaucoup. Depuis deux mois à peu près que Roulin a un exemplaire, il ne s'en est point occupé. Je verrai Albert 1 et Eustazade 2. Malheureusement l'article, très flatteur pour moi, qui a paru dans les Débats avant la publication de mon livre, par M. Chevalier, qui est à présent en[27] Amérique, sera peut-être un obstacle à ce qu'Eustazade en puisse mettre un autre. J'ai donné l'exemplaire destiné à M. de Chateaubriand qui m'a reçu à merveille. L'Académie française fera la bêtise de ne pas le nommer secrétaire perpétuel à la place de M. Arnault. Mme Récamier était à la campagne ; je ne sais son retour que depuis peu, je lui porterai incessamment son exemplaire.

(2) Stapfer
(3) de Sacy

Please cite as “L812,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 26 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L812