To Antoine-François Périsse-Marsil   28 octobre 1834

Paris 29 octobre 1834
[803]Mon bien cher neveu,

ce n'est qu'hier au soir en revenant de Vanteuil où j'ai passé dix jours avec ma fille, que j'ai reçu ta lettre qui m'a navré de chagrin. La perte de cet excellent frère est, pour moi, un coup terrible ; j'étais loin de penser que des craintes que j'espérais prématurées dussent être si tôt et si cruellement réalisées. Combien je partage la douleur dont ma sœur et toute la famille doivent être accablés ! Car nul ne fut meilleur ni plus digne d'être aimé, comme il l'était en effet de tout ce qui l'entourait.

Je suis bien fâché que ce voyage à Vanteuil, où je ne croyais d'abord rester que cinq ou six jours (ce qui m'avait fait donner commission à mon portier de me garder pour le jour de mon arrivée toutes les lettres qui me viendraient pendant mon absence), est cause que l'on ne m'a remis la tienne qu'hier au soir. J'ai fait mettre sur-le-champ à la poste celle qui y était contenue pour M. Meyer, mais elle aura ainsi éprouvé un assez long retard qu'il n'a pu dépendre de personne d'empêcher. Car tu ne pouvais prévoir que je me trouvais à Vanteuil à l'arrivée[804] [de ta lettre], ni moi que, pendant mon absence, [il en viendrait] une qui me ferait si fort regretter d'avoir dit à mon portier de garder pour mon retour les lettres qu'il recevrait pour moi pendant mon séjour chez M. de Jussieu. C'est une bonne leçon pour que je lui dise à l'avenir de me les renvoyer là où j'irai passer quelques jours.

Je t'en prie, exprime à ma sœur toute l'affliction dont mon âme a été pénétrée en lisant ta lettre, combien je la plains d'un coup aussi déchirant pour son cœur, combien je fais de vœux pour quelques consolations dans la pensée du bonheur dont jouit sans doute en ce moment celui qui a passé sur la terre en faisant le bien. Sois aussi mon interprète auprès de tes frères, de ta sœur, des jeunes dames Périsse ! J'attends avec une bien vive impatience les nouvelles que tu me promets de vous tous.

Je t'embrasse de toute mon âme ; hélas ! bien désolée d'un si profond malheur. A. Ampère

Monsieur Périsse aîné, imprimeur libraire grande rue Mercière, en face l'allée marchande, à Lyon (Rhône)

Please cite as “L813,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 25 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L813