To Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   3 mars 1802

[1348] Du mercredi [3 mars 1802]

Je n'aurai pas grand chose à te dire de [ma] vie, ma bonne amie. J'ai été lire ta lettre dans le jardin, où j'ai trouvé la note des effets [illisible] \que M. Jussieu/ ne veut plus prendre. Je lui écrirai que, sans lui, je les aurais vendus à l'école centrale de Bourg : ce qui est vrai en partie. Je te prie de me dire s'il faut que je lui écrive tout de suite, ou que j'attende sa réponse. Ce qui me presse, c'est que je serais peut-être à temps de vendre le bain à l'école centrale. Mais, comme M. de Jussieu ne peut se servir du reste sans lui, je veux que le[1349] marché tienne si cela est possible, et lui dire toujours [illisible] \que ces instruments ont été la plupart commandés pour l'école centrale de l'Ain./

Je me repens bien de n'avoir pas exigé un billet. J'ai vu, dans la même lettre, que ma pauvre Julie a été malade. J'espère que cela n'aura pas eu de suite. Mais je vais être bien inquiet jusqu'à ce que je reçoive de tes nouvelles : j'ai encore trois jours pleins et la moitié de dimanche. Tu m'as promis du moins de me dire toute la vérité ; si tu m'en cachais la moindre partie, il n'y aurait plus de tranquillité pour moi. Dis-moi, dis-moi bien précisément ce que tu éprouves, les remèdes[1350] que prescrit M. Martin et les effets dont ils sont suivis. Du vendredi matin [5 mars] Je n'ai pas pu t'écrire hier, ma bonne amie ; tu en trouveras la raison dans l'emploi de ma journée. Je croyais le matin avoir toute mon après-dînée et je m'occupai uniquement à faire des notes sur mon cours. M. Clerc, le professeur de mathématiques, me vint voir et m'offrit de m'aider à ranger le cabinet et à réparer les instruments . C'est à quoi nous nous occupâmes depuis 2 h. 1/2 jusqu'à près de 9 h[eures]. Je fus souper et, en revenant, je fus me coucher, car j'étais un peu las. Je me porte[1351] toujours très bien ; mais ce n'est que le moi d'ici qui n'est pas malade ; tu as peut-être la fièvre à présent, ma bonne amie, et je ne sais quand j'aurai de tes nouvelles : après-demain, je l'espère. J'ai toujours bonne espérance d'aller te chercher vers Pâques . Mais, si tu ne te portes pas mieux, je te laisserai une seconde fois loin de moi, après avoir passé près de toi un jour bien court. Si je puis motiver ce voyage par la nécessité de quelques acquisitions utiles au cabinet, il pourrait arriver que je ne le fisse pas à mes frais.

[1352] Du vendredi soir [5 mars] Après avoir bien délibéré sur M. de Jussieu, je me suis déterminé à lui écrire pour l'engager à tenir son marché et à faire une prompte réponse. S'il persiste dans son refus de mes machines, j'espère en tirer encore bon parti en les faisant acheter pour le cabinet ; mais cela a plusieurs inconvénients et n'est pas certain. Tu lui feras porter \ma lettre si tu l'approuves./ Je vois en relisant ta lettre que tu ne comptais la machine à faire de l'eau que 24 l[ivre]s ; j'avais fait marché[1353] à 36 l[ivre]s avec M. de Jussieu ; mais j'avais sur le total rabattu 9 l[ivre]s.

Je remercie bien le bain de pieds que tu as pris avec de l'absinthe ; il t'a fait du bien et m'a valu une jolie lettre. J'espère que tu n'as pas pris mal aux reins en l'écrivant, comme ta maman le craignait. Si cela était, j'aimerais mieux être privé du seul plaisir que je puisse goûter loin de ma bonne amie. Continue, je t'en prie, de faire exactement les remèdes qu'on te donne et de m'écrire à cet égard tous les détails possibles !

[1354]Du samedi matin [6 mars] J'avais oublié de te dire, ma bonne amie, que tu n'avais pas encore mis d' écriteau pour le loyer. Je crois que cela n'aurait point fait de mal ; il y a ici des loyers à prendre et l'on dit en outre qu'on y peut aisément louer deux pièces toutes garnies à 18 l[ivre]s ou un louis par mois. Cela vaudrait peutêtre mieux que tout le reste, puisque le mois d' août ne me laisse pas l'espérance de te voir à Bourg plus de deux ou trois mois. Je t'ai déjà[1355] priée de me dire s'il était convenable de demander la permission que tu loges dans le collège ; et si une seule chambre, à la vérité assez vaste et commode avec un cabinet et un grenier à l'autre bout du jardin, peuvent nous suffire. J'attends ton avis sur le tout et je t'embrasse de tout mon cœur en attendant Pâques. A. Amp[ère]

A Madame Ampère-Carron, Maison Rosset, n° 18, g[ran]de rue Mercière, à Lyon.

Please cite as “L85,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 24 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L85