From Félix Savary   4 juin 1823

[16] Provins,le 4 juin 1823

Monsieur et cher Professeur, J'ai sans cesse de nouveaux remerciements à vous faire, et quand je pense à la peine que vous donnent ces malheureuses épreuves, je regrette bien d'en être la cause et de n'avoir pu vous l'éviter. Je vois de plus en plus, ce dont j'étais bien convaincu, combien il manque de développements à la clarté des calculs et combien je vous serai redevable des très nécessaires illustrations que vous voulez bien ajouter à un texte qui le mérite si peu. Quant à la bévue qui se trouve dans la valeur de l'angle CEA, je ne conçois pas comment, ayant mis (je ne me rappelle pas si c'est avant ou après) le calcul direct qui montre bien que la force est variable aux différents points de la circonférence décrite librement par le fil, j'ai pu la laisser subsister. Elle est d'ailleurs assez grossière par elle-même. Ce n'est ni plus ni moins que d'avoir fait CEA = CAB + ECA au lieu de CEA = CAB - ECA, du moins si, comme je le crois, je me rappelle bien les lettres d'une figure et d'un calcul que je n'ai plus sous les yeux. Il est dans tous les cas bien inutile que vous vous donniez la peine de m'envoyer ce que vous appelez une justification. Cela m'est sauté aux yeux de la mémoire et je n'ai d'autre excuse que la préoccupation où j'étais du résultat relatif à la courbe décrite et que m'aurait donné l'autre méthode, en sorte qu'ayant retrouvé le résultat, j'ai glissé avec une confiance aveugle sur les moyens auxquels je n'attachais même pas l'importance d'une vérification. C'est du reste une addition, et il ne se trouve rien de cette erreur dans ce qui a été remis à l'Institut. Cela me prouve seulement combien je vous ai d'obligations et combien peu je suis capable de la moindre chose sérieuse. Ce sera bien pis encore pour l'avenir.

Je passe de suite à l'article qui termine votre lettre et qui est relatif à la somme des moments M dans l'action mutuelle de deux cylindres, vous avez eu la bonté de vérifier l'expression M = h 2 a' cos d r 3 + ( c cos a' ) ( c a' cos ) a' d r 3 qui me semble se déduire simplement de ce qui précède. Les deux termes s'ajoutent car les deux composantes tendent à faire tourner dans le même sens. On doit négliger dans le second terme a' 3 cos d r 3. Quant aux autres, je mets séparément leur valeur déduite de ce que r = h 2 + c 2 + a' 2 2 c a' cos h 2 a' cos d r 3 = 3 a' 2 h 2 c r 5 ; a' c 2 cos d r 3 = 3 a' 2 c 3 r 5 a' 2 c cos 2 d r 3 = a' 2 c r 3 ; - a' 2 c d r 3 = - 2 a' 2 c r 3 la somme des trois est bien - 3 3 a' 2 c ( r 2 c 2 ) r 5 = 3 a' 2 h 2 c r 5 car après l'intégration, r 2 = h 2 + c 2. Cette somme est donc égale et de signe contraire à la valeur du 1er terme. Donc M = 0. Je présume que vous faites d r 3 = 1 r 3 mais [17] les intégrales sont prises \depuis = 0/jusqu'à = 2 . Je crois donc qu'il n'y a pas d'erreur dans le résultat.

D'après l'inquiétude que vous voulez bien me témoigner pour mon propre intérêt, je suis désolé du retard qu'éprouve ma réponse. Car je vois votre lettre datée du 1er juin et nous sommes au 4 du mois. Je n'ai rien à vous reprocher ; il n'y a que quelques heures que M. Dupré a eu la bonté de me faire passer votre lettre  ; la mienne est prête, elle partira ce soir et vous la recevrez demain matin.

Je ne perdrai point cette occasion de vous témoigner mes remerciements pour la bienveillance que témoigne M. Dupré, à moi et à mes camarades. Il nous a présenté tous les moyens possibles d'alléger notre fardeau. Grâce à lui et aux plans que nous avons trouvés, une grande partie de notre travail de courses est transformé en travail de cabinet, économie de peine très grande, non de temps, car à calquer et réduire tous les plans, j'en ai les doigts raides et je ne fais que cela. Ce que j'en dis n'est que pour ne pas mériter de la part des personnes qui, comme vous, veulent bien s'intéresser à moi, le reproche de ne pas m'occuper d'études qui me sont si nécessaires pour mériter cette bienveillance. J'ai le chagrin d'oublier, de ne pas acquérir et, ce qui est pis encore, de perdre l'habitude d'un travail qui exige quelque attention.

Quelque chose qui arrive, veuillez croire que je n'oublierai jamais toutes les obligations que je vous dois, depuis le temps que je suivais vos leçons à l’École jusqu'à celui où vous voulez bien corriger pour moi et le travail si imparfait et les épreuves qui, par ce que j'en ai sous les yeux, en ont grand besoin. Certainement le temps le plus heureux pour moi sera celui qui, me ramenant dans ma famille, me rapprochera de vous et me permettra de profiter de vos conseils. Si vous voyez M. Arago, auriez-vous la bonté de lui renouveler le témoignage de ma reconnaissance ? Voudriez-vous également présenter à M. et Mme Hachette mes hommages respectueux. Veuillez encore, je vous prie, faire agréer mes respects à Mme votre sœur et me rappeler au souvenir de M. votre fils et croire vous-même à l'attachement sincère et au dévouement de votre ancien élève, F. Savary

Please cite as “L859,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 27 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L859