From Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   4 mars 1802

[104] De jeudi matin [4 mars 1802]

Je n'avais guère envie de t'écrire pour te punir d'être si déraisonnable, si injuste et si imprudent 1. En m'écrivant cette lettre et l'ayant ouverte le lendemain, il est impossible que tu n'aies point pensé à la peine que tes idées extraordinaires devaient me faire. Ce qui m'est le plus sensible, c'est que tu as absolument oublié que je ne me porte pas assez bien pour supporter le chagrin de ton départ, et encore celui de tes reproches auxquels je ne m'attendais pas. Tu es donc capable, comme tous les autres hommes, de te laisser entraîner à l'injustice par les mouvements déraisonnés de ton attachement pour moi. Ah, que j'aurais voulu ne pas recevoir cette lettre et être toujours persuadée que mon mari ne penserait jamais que je l'aie oublié ! A quoi donc sert d'être ensemble depuis plus de deux ans, de se dire tous les jours tout ce que l'on a dans l'âme, pour qu'un retard de lettre puisse monter la tête et faire penser des folies ; oui, mon bon ami, des folies ! Je n'ai point besoin de t'en dire autre chose ; je suis sûre que tu te repens déjà de me les avoir écrites  ; mais je te gronde de les avoir pensées ; car tu connais ta Julie et tu sais toute la peine qu'élise me fait avec ses soupçons d'oubli, et cela me fait trembler quand j'imagine que tu pourrais être de même ; mais je pense que tu sens[105] tous les torts que tu as eus. Ainsi, je ne veux plus t'en parler que pour te dire que, si une autre fois tu pensais de pareilles choses, je ne t'écrirais plus, car cette lettre m'a fait trop de mal [illeg] Des efforts que je fis pour ne pas pleurer mon cœur était étouffé. Après que je t'ai dit tout cela, j'exige, pour me faire une bonne réparation, que tu ne t'affliges pas trop de la peine que tu m'as faite et que tu penses que ta Julie t'aime et t'aimera toujours de tout son cœur, qu'elle ne pense plus à rien de ce que tu lui as dit et qu'elle t'envoie ses bons baisers donnés de bon cœur pour te faire oublier les soufflets qu'elle t'aurait donnés d'aussi bon cœur hier.

[illeg] [106] [illeg] M. Derrion te demande quel maître tu conseilles à son frère cadet. Il connaît Boucharlat ; mais il veut savoir si tu le crois le meilleur [illeg] Aie grand soin du catalogue de M. Malet ; il y tient beaucoup [illeg]

[107] Du vendredi - [illeg] J'espère, mon bon ami, que tu ne fais pas le carême. Souviens-toi que tu me fâcherais beaucoup et que tu m'as promis de ne pas le faire [illeg] [108] Je vis hier Ballanche. Il m'a dit que M. Beauregard connaissait M. Dumas de votre ancienne société et que Dumas en faisait un certain cas. Adieu, mon bon ami, ta tante de Poleymieux est venue pour porter de l'argent à M. Coste. Ton oncle est mort depuis quelques jours. Marsil a vu cet ouvrier dont il te parle, qui est venu te voir 2. Fais bien attention à ne pas t'engager avec lui sans un ordre du préfet ! [illeg]

[109] A Monsieur Ampère, professeur de physique à l'École centrale du département de l'Ain à Bourg.
(2) Réponse à la lettre du dimanche 28 février.
(3) Voir la lettre du 3 mars 1802 à Périsse-Marsil.

Please cite as “L86,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 19 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L86