To John Herschel   6 septembre 1827

Paris, 6 septembre 1827
Monsieur,

J'ai mille remerciements à vous faire du précieux recueil de vos nouvelles observations sur les étoiles doubles et triples que vous avez eu la bonté de me faire remettre par Monsieur Ar[ago]. C'est avec une bien vive satisfaction que je l'ai reçu, non seulement à cause de l'importance des observations qui confirment l'une des plus belles découvertes de l'astronomie moderne et qui peuvent servir à calculer les mouvements qu'elles nous révèlent, mais encore parce que j'y ai vu un nouveau témoignage de l'amitié dont vous voulez bien m'honorer et dont vous m'avez déjà donné d'autres preuves dont je conserve le souvenir avec la plus vive reconnaissance.

La plus flatteuse pour moi et celle qui m'a pénétré du plus profond sentiment de gratitude, c'est la part que vous avez prise à un événement de ma vie que je regarde comme un des plus heureux et des plus glorieux pour moi, je veux parler du choix que la Société Royale de Londres a daigné faire de moi comme un de ses membres étrangers. Il y a longtemps que je l'aurais écrit à la Société Royale et à vous, Monsieur, pour offrir à l'un et à l'autre tous mes remerciements, mais MM. Arago et Underwood qui m'apprirent ma nomination furent d'avis que je devais attendre pour adresser à la Société Royale l'hommage de ma reconnaissance, que j'eusse reçu la lettre du secrétaire de la Société Royale qui m'annoncerait ma nomination. Cette lettre ne m'est pas encore parvenue, mais je ne puis attendre plus longtemps pour vous exprimer tous les sentiments que m'ont inspirés vos bontés pour moi. Ils se joignent à ceux de l'admiration pour tant de découvertes importantes dont vous avez enrichi le domaine de la physique et de l'astronomie. Aussi quand j'ai trouvé il y a quelques mois dans un journal scientifique qui paraît à Paris sous le nom de Bulletin des sciences mathématiques, physiques et chimiques, rédigé par M. Saigey sous la direction de Mr. de Férussac, un article où l'ignorance des faits égalait l'inconvenance des expressions, nul n'a été plus choqué que moi qu'il eut trouvé place dans le Bulletin de M. de Férussac. Lorsque j'en ai fait des reproches à ce dernier, il m'a écrit une lettre où il désavoue cet article et déclare que s'il en avait eu connaissance il n'aurait jamais laissé imprimer un tel article qu'on devait uniquement attribuer à M. Saigey. J'étais d'autant plus choqué de ce misérable article que l'auteur avait joint à la fin des louanges de mes travaux sur la physique par lesquelles il semblait m'associer à ces sottises. Les occupations obligées qui absorbent tout mon temps ne m'ont pas permis de faire de nouvelles expériences depuis que j'ai vérifié avec Mr. Arago qu'une spirale électrodynamique est non seulement attirée par un disque métallique tournant dans les cas où un aimant l'est et de la même manière ainsi que j'ai eu le plaisir de vous montrer l'année passée, mais encore qu'elle est repoussée comme l'aimant dans le cas où celui-ci l'est, c'est à dire quand la spirale ou l'aimant ne peuvent se mouvoir que dans un plan perpendiculaire à celui du disque. Ainsi voilà encore une confirmation de l'identité des aimants et des spirales ou hélices électrodynamiques et une nouvelle preuve que les phénomènes produits par des aimants sont purement électriques.

Je regrette bien d'être privé du temps qu'il me faudrait pour d'autres expériences que j'aurais à faire et pour publier de nouveaux calculs par lesquels j'ai démontré dans le cours de physique que je fais au Collège de France cette identité d'une manière plus simple encore que celle que j'ai donnée.

Je vous prie, Monsieur, d'agréer de nouveau l'hommage de ma reconnaissance et du profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'être votre très humble et très obéissant serviteur, A. Ampère

Please cite as “L866,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 24 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L866